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Par Marc Knobel, Directeur des Etudes du CRIF
C’est écrit sur sa pierre tombale : « Ilan Jacques Halimi, torturé et assassiné en France parce qu’il était juif à l’âge de 23 ans. » Ilan Halimi est enterré à Jérusalem où « personne ne pourra aller salir sa tombe. (…) Il est en paix », avait raconté avec douceur sa sœur Yaël (Le Monde, 17/10/2014). Prémonition ? On peut se le demander. Et si Ilan Halimi avait était enterré en France, sa tombe aurait-elle profanée, un jour ou l’autre ? Cette question vous choque ? Car, voilà, que l’on apprend qu’une toute petite plaque en sa mémoire, au demeurant relativement discrète et posée à même le sol au pied d’un jeune chêne dans le parc Richelieu, au centre de la ville de Bagneux (après une cérémonie de commémoration en 2011), a été cassée, profanée. Sur cette plaque, il était pourtant très sobrement écrit : « Les Balnéolais en mémoire d’Ilan Halimi (11 octobre 1982 – 13 février 2006), victime de la barbarie, de l’antisémitisme et du racisme. » Mais voilà. Il faut croire que c’était une plaque de trop.
Avertie samedi 2 mai 2015 vers 18 heures par le courriel d'un habitant que la plaque avait été cassée, Marie-Hélène Amiable, la Maire de Bagneux, dans les Hauts-de-Seine, ne cache pas sa colère : « C’est inacceptable. » Puis, la Maire fait aussitôt retirer la plaque. « Elle sera changée dès que possible lundi. Nous sommes au commissariat de Bagneux pour porter plainte », précise-t-elle. « Pour notre ville, c'est un symbole extrêmement fort », qui « pense fortement à un acte de vandalisme ». Très prudente, l'élue ne veut pas exclure « la chute d'une branche ou un ballon », tant que la police ne fera pas la lumière complète sur les faits. « Branche » ? « Ballon » ? Et pourquoi pas aussi des feuilles qui, en tombant de l’arbre avec la branche auraient cassé aussi brutalement la stèle ? Peut-être même serait-ce la faute de l’herbe avoisinante ou de la poussière ? De petits gravats ou de petits cailloux ? Ou la baballe à son chien, chien ? Allons donc. De son côté le parquet qui estime qu'il n'y a « pour l'instant aucun élément d'identification » estime, sans pouvoir être « complètement affirmatif », que la dégradation « paraît être un acte volontaire ». Finalement, dimanche après-midi, le parquet décide d'ouvrir une enquête pour « dégradations volontaires », rapporte BFMTV.
Le 20 janvier 2006, Ilan Halimi, qui vit dans l’Est parisien avec sa mère et sa sœur, a rendez-vous dans la soirée avec la jeune Emma, qui l’a abordé trois jours plus tôt dans le magasin de téléphonie du boulevard Voltaire où il effectuait un remplacement. La mineure est un appât « loué » par un certain Youssouf Fofana, dont le plan est d’enlever un Juif « parce qu’ils sont bourrés de thunes ». Emma entraîne Ilan dans le sous-sol d’un immeuble de Sceaux. Là, ses complices le frappent et le neutralisent à l’éther, puis l’emmènent jusqu’à un appartement vide, situé dans une cité de Bagneux (Hauts-de-Seine). Pendant les trois semaines suivantes, Ilan est torturé. Le 21 janvier, Youssouf Fofana envoie depuis un cybercafé une photo d’Ilan à sa famille, sur laquelle le jeune homme apparaît menacé par un pistolet. Fofana exige une rançon de 450 000 euros, à remettre au plus tard le lundi 23 janvier 2006. Il quitte ensuite la France pour la Côte d’Ivoire, laissant l’otage à des complices. Ceux-ci, devant l’absence de réaction de la famille Halimi, s’impatientent, puis envoient une nouvelle photo d’Ilan. Les jours passent, les échanges téléphoniques avec la famille d’Ilan se multiplient, le montant de la rançon ne cesse de changer. Le dimanche 12 février 2006, Fofana rentre à Paris. Ses complices en ont visiblement assez. Il leur assure qu’il va relâcher Ilan, qu’il frappe à nouveau violemment pour obtenir les coordonnées d’autres membres de sa famille. Puis, afin d’effacer les indices, Ilan est lavé, ses cheveux sont rasés. Le 13, à 5 h, les membres du gang voient Fofana s’éloigner au volant d’une voiture volée. Son otage se trouve dans le coffre. Trois heures et demie plus tard, une passante en voiture repère Ilan, couché le long d’une voie de chemin de fer, à Sainte-Geneviève-des-Bois. Il est nu, menotté et bâillonné. Son corps est couvert de brûlures. Il meurt au cours de son transfert vers l’hôpital. Les médecins recensent quatre plaies au cou, dont une à la veine jugulaire, une à la hanche, faites par un « instrument tranchant et piquant. »
A Bagneux, il y avait une petite plaque discrète pour marquer l’horreur…