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Le coup d’Etat des militaires égyptiens contre Morsi a quelques similitudes avec l’arrêt du processus électoral en janvier 1992 par les militaires algériens. Le salafisme tunisien a aussi quelques similitudes structurales et idéologiques avec son «frère» algérien. L’Algérie a, dans ces deux registres, cumulé une funeste expérience. Il y a peu, ce pays vient de se singulariser. L’appel à l’assassinat d’intellectuels, d’écrivains ou d’artistes est public et commenté dans les médias. On ne se cache plus pour appeler officiellement au meurtre de ceux et celles que l’on considère en dehors de la doxa religieuse et nationaliste. Alors qu’hier des «listes noires» anonymes affichées sur les murs des mosquées désignaient des personnes à abattre, aujourd’hui, ceux qui appellent au meurtre le font à visage découvert, sûrs de leur impunité.
Nous sommes en présence d’une mise à mort de la raison et de l’imagination. Pensons à la violente charge contre Lyès Salem, réalisateur du film l’Oranais, «excommunié» par l’imam Cheikh Chemsou. Le «crime» du réalisateur : par la fiction, il propose une autre vision des moudjahidin en les montrant comme ils étaient et non comme l’iconographie et le discours d’Etat les ont toujours montrés : des purs et des saints. Pensons à l’ouvrage de Meriem Bouzid-Sebabou, Ce que les gens de Sebeiba disent. Sens du rituel de l’Achoura dans l’oasis de Djanet, Chercheur au Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH). Sur la pression de «notables de Djanet» et d’une «pétition» du 26 novembre, le ministère de la Culture a exigé du CNRPAH de retirer le livre des circuits de diffusions. Ce qui est reproché à l’auteure : avoir suggéré que des femmes touarègues se seraient prostituées pendant la période coloniale.
Dernier exemple en date, probablement le plus terrifiant : l’imam salafiste Abdelfatah Hamadache a lancé, le mardi 16 décembre 2014, une fatwa où il appelle à condamner à mort l’écrivain et journaliste Kamel Daoud. Ce dernier est l’auteur de Meursault, contre-enquête, son premier roman, paru aux éditions Actes Sud en 2014. Il a été salué par la critique et présenté comme un des candidats très sérieux au prix Goncourt de cette année. Contre lui s’est déchaîné un imam inculte, raciste et submergé de haine appelant à l’exécution publique de cet écrivain «mécréant» pour le crime d’apostasie. Et qui doit se charger de cet acte empli de divinité ? L’Etat algérien lui-même : «Si la charia était appliquée en Algérie, le châtiment aurait été de le tuer», écrit l’imam sur sa page Facebook. Et à la télévision :«Je n’ai jamais dit qu’on va tuer Kamel Daoud. Je n’ai pas de pouvoir juridique pour le faire condamner à mort. Par contre, j’ai sollicité, j’ai appelé le pouvoir en Algérie à le faire, car cet homme s’est attaqué directement à nous, à Dieu et à notre Islam. Je ne suis pas contre la liberté de penser, mais pour nous, la religion est une ligne rouge à ne pas franchir […].»Le «crime» de Kamel Daoud ? Son rapport à la religion : «On ne peut pas à la fois critiquer le monde parce qu’il nous rejette alors que nous-mêmes nous rejetons le monde. Ce sont des questions récurrentes dans ma vie quotidienne»… Lire la suite.
Dernier ouvrage paru : «Insurrections arabes. Utopie révolutionnaire et impensé démocratique», Paris, Buchet-Chastel, 2013.