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Tout le monde se souvient d’un précédent drame. Le 20 janvier 2006, Ilan Halimi, qui vit dans l’Est parisien avec sa mère et sa sœur, a rendez-vous dans la soirée avec la jeune Emma, qui l’a abordé trois jours plus tôt dans le magasin de téléphonie du boulevard Voltaire où il effectuait un remplacement. La mineure est un appât « loué » par un certain Youssouf Fofana, dont le plan est d’enlever un Juif « parce qu’ils sont bourrés de thunes ». Emma entraîne Ilan dans le sous-sol d’un immeuble de Sceaux. Là, ses complices le frappent et l’endorment à l’éther, puis l’emmènent, dans le coffre d’une voiture volée, jusqu’à un appartement vide, situé dans une cité de Bagneux (Hauts-de-Seine). Pendant les trois semaines suivantes, Ilan est torturé. Le dimanche 12 février 2006, une passante en voiture repère Ilan, couché le long d’une voie de chemin de fer, à Sainte-Geneviève-des-Bois. Il est nu, menotté et bâillonné. Son corps est couvert de brûlures. Il meurt au cours de son transfert vers l’hôpital. Les médecins recensent quatre plaies au cou, dont une à la veine jugulaire, une à la hanche, faites par un « instrument tranchant et piquant. »
Nous ne cessons et ne cesserons de le répéter : dans la France des années 2000, l'hostilité à l'endroit des Juifs s'est largement développée dans certains milieux qui vivent (hélas) dans les quartiers sensibles et difficiles. Dans ces quartiers, une sorte de jalousie sociale est alimentée par divers stéréotypes criminels, dont celui du « Juif riche », celui du « Juif puissant » dans la finance, la politique, les médias. Cette jalousie a souvent été décrite et avec minutie par le philosophe Pierre-André Taguieff, dans différents travaux. Par ailleurs, dans certains entretiens semi-directifs avec des « jeunes » issus de l’immigration et marginalisés, on découvre ou l’on apprend que les Juifs sont accusés de prendre toutes les places et d’occuper tous les postes désirables. S’ajoute alors l’accusation de la (pseudo) « solidarité juive » : « Ils se tiennent entre eux », disent ou pensent-ils. Les jeunes voyous voient les Juifs comme une espèce de franc-maçonnerie ethnique, pratiquant le népotisme à tous les niveaux, dans tous les domaines. « Ils sont partout », « Ils ont le pouvoir », « Ils nous manipulent ».
De fait, dans des zones de non-droit, des bandes de voyous -racistes et antisémites- sèment la terreur. Dans certaines de ces zones et quelquefois au cœur des villes, les citoyens juifs (ou non) ont peur de circuler et les parents juifs s’inquiètent pour leurs enfants.
L’émotion suscitée par cette affaire (une de plus, une de trop) est particulièrement compréhensible. Car l’antisémitisme, comme toute forme de racisme, est inacceptable. Il est une injure à la République et ses effets, nous le savons, peuvent se révéler dramatiquement, car ceux qui l’instrumentalisent s’illustrent par leurs appels incessants à la haine, à la violence et au meurtre.