Tribune
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Publié le 8 Octobre 2014

La violence qui déchire le monde

Par le Pasteur Nathalie Chaumet, publié dans la revue Réforme le 5 octobre 2014

Effroi fut le mot employé par le Premier ministre pour décrire ce que chacun a pu ressentir après l’assassinat d’Hervé Gourdel. Et si ce meurtre fait sans doute écho en nous-mêmes à l’assassinat des moines de Tibhirine sauvagement exécutés du même procédé, l’effroi a sans doute été renforcé par le fait d’assister visuellement à cette scène barbare via Internet. 

Avec les moyens modernes, la violence franchit un pas supplémentaire et force les portes de nos maisons via nos écrans, dans nos lieux de refuge et d’intimité, contribuant ainsi à la déstabilisation des plus fragiles.

Malheureusement, l’assassinat de notre compatriote est le triste miroir du chaos sanguinaire dans lequel des populations entières se trouvent aujourd’hui piégées. Pour nous, ce chaos a un nom désormais. Mais à ce nom doit être associé les noms de centaines d’innocents massacrés dont la vie a malheureusement disparu, sans être inscrits dans la mémoire collective. La violence est là, présente plus que jamais, au point que le Pape François a évoqué à plusieurs reprises son sentiment d’une troisième guerre mondiale morcelée.

En 2012, le Service protestant de mission organisait un forum intitulé « Le monde est chez toi ». Sur l’affiche, on pouvait voir un visage, des écouteurs sur les oreilles, dans cette tentative si moderne d’exclure le monde extérieur pour rester en soi-même et préserver sa bulle. Mais la vanité de cette tentative était dénoncée par l’affiche. En effet, les écouteurs étaient représentés chacun par une moitié de globe terrestre. Le monde nous rejoint là où nous sommes et nous n’échappons pas à cette réalité. C’est ce que nous a tragiquement montré l’assassinat d’Hervé Gourdel.

Le monde est chez nous

Parce que le monde est chez nous, il importe, aujourd’hui, plus que jamais, de prendre la parole pour qu’il ne soit pas façonné par le seul écho de la violence qui finirait par avoir raison de lui.

J’ai été personnellement frappée par la déclaration d’une trentaine de responsables religieux, d’appartenances bien différentes, appelant à préserver la création et à limiter le réchauffement climatique (lire page 14). Si une telle unité peut être obtenue au nom de la lutte pour la préservation de l’environnement, à combien plus forte raison devons-nous et pouvons-nous nous unir pour appeler à un monde où chaque geste solidaire sera gage de paix et fera reculer l’emprise des violents. C’est là, peut-être plus que jamais, que les religions doivent jouer leur rôle au sens étymologique du terme de relier les hommes entre eux.

Prendre la parole aujourd’hui est plus que nécessaire. Chacun le doit au cœur de sa propre identité religieuse. De ce point de vue, nous pouvons saluer ce texte publié par 120 oulémas musulmans et adressé à l’organisation de l’État islamique, qui dénonce son action, l’accuse de détourner l’islam et appelle à revenir à une religion de la miséricorde. Et de même pouvons-nous mettre en avant la campagne initiée en Grande-Bretagne où des fidèles musulmans s’insurgent contre la violence commise au nom de cette foi qui est la leur et proclament clairement : « Pas en mon nom ». Mais cette prise de parole aujourd’hui si nécessaire doit aussi engager le dialogue interreligieux… Lire la suite.