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Actualité Juive: Quelles sont les caractéristiques de l’antisémitisme qui parcourt les banlieues françaises ?
Georges Bensoussan : C’est un antisémitisme culturel, d’origine maghrébine, très ancien et antérieur à la colonisation. Il est relatif à la condition de dhimmi, une condition inférieure marquée souvent par l’humiliation et la violence. Contrairement à la légende, il n’y a jamais eu de véritable lune de miel entre Juifs et Arabes et ce n’est pas l’Etat d’Israël qui l’a rompue. Il y eut certes des périodes de coexistence mais toujours marquées par un sentiment d’anxiété.
En revanche, il est vrai que la colonisation française a aggravé le ressentiment arabe contre les Juifs. En Algérie surtout, la colonisation a renforcé le ressentiment antijuif de la population car du jour au lendemain les Juifs ont été faits français par le décret Crémieux. En conséquence, le Juif, qui fut toujours une figure d’opprimé dans le monde maghrébin, devenait d’un seul coup un supérieur. Cela a constitué une source de colère et de frustration. Cette émancipation du Juif a profondément insupporté ce que j’appelle « l’économie psychique du monde arabo-musulman », parce que le dominant n’accepte jamais l’émancipation du dominé.
Les populations du Maghreb, venues très nombreuses et qui ont parfois et jusqu’aujourd’hui connu de gros problèmes d’intégration, ont vu dans l’émancipation du signe juif, dans l’intégration des Juifs à la société française, tout ce qui pouvait aggraver leur ressentiment. Ce facteur-là n’est pas assez pris en compte par les médias occidentaux qui ignorent cette histoire de longue durée.
L’Etat français peut-il être dépassé par cet antisémitisme populaire ?
L’appareil d’Etat est irréprochable. Du côté de l’opposition, Bruno Le Maire parmi d’autres l’est également. Mais les responsables politiques prennent en charge le problème très tard, surtout à gauche. Aujourd’hui on peut craindre qu’il ne soit trop tard tant la violence est installée et la population d’origine maghrébine nombreuse. La grande crainte des politiques, c’est la résurgence des émeutes de 2005 et la crainte d’une nouvelle guérilla urbaine. Ils font de nombreux efforts pour contrer la violence antijuive, mais il faut savoir aussi que dans ces situations difficiles, la lâcheté n’a jamais assuré la paix civile.
Or une grande partie des élites politiques et surtout médiatiques craint de nommer les choses, en particulier quand elle évoque des « incidents de fin de manifestation » à propos des tentatives de pogrom rue de la Roquette, à Sarcelles et rue des Rosiers.
La situation des Juifs de France est-elle en partie comparable à ce qu’ont vécu les Juifs des pays arabes au milieu du XXe siècle ?
Non, ce n’est pas comparable. Dans les pays arabes, ce sont aussi les appareils d’Etat qui ont fait partir sournoisement les Juifs, en les poussant peu à peu au départ. En France, en revanche, la société commence à prendre en compte ce qui se passe et l’appareil d’Etat est solidaire. Mais ce qui s’est passé en juillet peut parfaitement être compris comme un signal, en particulier pour la population la plus jeune, je pense en particulier aux jeunes parents.
Une ligne rouge a été franchie. A cinq reprises en deux semaines, on a assisté à des tentatives de mini-pogroms en France. Jamais nous n’avions vu un tel déchaînement de violence physique auquel a participé la libération de la parole antisémite. Une libération qui, stimulée par l’extrême droite – Soral, Dieudonné, Jean-Marie Le Pen – permet de faire tomber les derniers tabous nés de la Seconde Guerre mondiale… Lire la suite.