Tribune
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Publié le 27 Juin 2014

Le djihad par intérim

Par Matthieu Suc publié dans le Monde le 27 juin 2014

Coiffé d'un keffieh, vêtu d'une djellaba blanche et d'un gilet pare-balles noir, Teddy Valcy brandit son fusil d'assaut devant la caméra. "N'oubliez pas la récompense du martyr, celui qui meurt sur le sentier d'Allah. [...] On nous appelle terroristes, mais le mot est faible. [...] Il n'y a pas de discussion possible avec [les infidèles] !"

En décembre 2013, au milieu d'une dizaine de complices à la barbe longue, le braqueur antillais de 36 ans s'avance dans le box de la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris pour répondre à l'accusation d'association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme.

Rasé de près, dreadlocks rassemblés en queue-de-cheval, le front large, les pommettes hautes, des biceps de la taille d'un torse, un torse de la taille d'un buffle, Teddy Valcy, dit "Scoubidou", se justifie de cette vidéo dans laquelle il appelle à la guerre sainte : "C'était une blague... J'aime bien me mettre en scène. Là, je suis déguisé en moudjahid, mais si vous faites attention, à l'arrière-plan il y a Chatou, mon chat. Est-ce que vous avez déjà vu un islamiste poser dans une vidéo avec Chatou ?".

Eclats de rire dans l'assistance. Le magistrat se laisse convaincre et conclut que la vidéo n'était pas un "fait matériel d'acte de terrorisme, mais une mise en scène assez pathétique et peu crédible destinée à impressionner des naïfs".

Un peu plus tard, son conseil, Me Eddy Arneton, renchérit : "La thèse de son radicalisme relève du pur fantasme. On a également trouvé une vidéo dans laquelle il se grime en policier du Raid, une autre où il est encagoulé, torse nu avec des liasses de billets débordant de son caleçon. C'est un provocateur, pas un islamiste. Cela n'est pas qu'une ligne de défense, c'est la vérité." Et ce bien que le jour de son interpellation, on ait trouvé à son chevet une littérature très orientée - Al Qaida, manuel pratique du terroriste, Dans l'ombre de Ben Laden - ainsi que l'adresse d'un site Internet djihadiste sur un bout de papier.

Simples caïds ou terroristes islamistes ?

Teddy Valcy compose, avec quelques amis, une confrérie très rare de criminels, celle des délinquants qui font le grand écart entre banditisme et fanatisme religieux. D'ailleurs, la justice se demande si elle doit les considérer comme de "simples" caïds ou comme des terroristes islamistes. Comme Mehdi Nemmouche, le suspect de la tuerie du Musée juif de Belgique à Bruxelles, ils ont des vols à main armée à leur passif et ont été embrigadés en prison. Comme Mohamed Merah, le "tueur au scooter" auteur, en 2012, d'un quadruple meurtre devant une école juive, ils appartiennent à des mouvements radicaux qui prônent la taqiya, l'art de la dissimulation.

Mais, à la différence de Nemmouche et de Merah, leur foi soudaine ne les a pas poussés à se rendre en Syrie ou en Afghanistan. "La frontière est souvent ténue entre ceux qui jouent à être radicaux et ceux qui se sont véritablement radicalisés", admet le juge d'instruction Marc Trévidic… Lire la suite.

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