Tribune
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Publié le 19 Mai 2014

Dégoût

Par Anne Sinclair, publié dans le Huffington Post le 18 mai 2014

Je laisse aux spectateurs et aux critiques le soin de juger ce film, s'ils ont envie de le regarder. Nombreux sont ceux d'ailleurs qui ont déjà exprimé leur opinion peu flatteuse, et leur ennui.

Je n'ai pas l'habitude, dans ces colonnes, de faire part de mes sentiments personnels. Mais comme le personnage de Simone dans le film "Welcome to New York" prétend me représenter, je veux seulement dire ici mon dégoût.

Dégoût, d'un film où l'exhibition permanente du corps de Gérard Depardieu, présentée comme une audace, donne en fait le haut-le-cœur. Dégoût des dialogues minables et grotesques. Dégoût de la façon dont M. Ferrara représente les femmes, ce qui doit illustrer ses propres pulsions. Dégoût enfin et surtout du soi-disant face à face des deux personnages principaux, où les auteurs et producteurs du film projettent leurs fantasmes sur l'argent et les juifs.

Les allusions à ma famille pendant la guerre sont proprement dégradantes et diffamatoires. Elles disent le contraire de ce qui fut. Mon grand-père a dû fuir les nazis, et a été déchu de sa nationalité française par le gouvernement de Vichy. Mon père a rejoint la France Libre et a combattu jusqu'à la Libération. Dire autre chose relève de la calomnie. Je ne pensais pas avoir à défendre aujourd'hui leur mémoire devant des attaques aussi clairement antisémites, motivées chez le réalisateur sans doute par ses propres problèmes, et chez le producteur par son goût du profit.

Cela étant, je ne ferai pas à Messieurs Ferrara et Maraval le plaisir de les attaquer en justice. Ils l'ont dit, ils n'attendent que cela. Je n'attaque pas la saleté, je la vomis.