Tribune
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Publié le 7 Avril 2014

Maurice Sosonowski, Président du CCOJB :"Il faut éradiquer la haine sur le Net"

Entretien avec Maurice Sosonowski, Président du Comité de coordination des organisations juives (CCOJB), propos recueillis par Christian Laporte, publié dans la Libre Belgique le 4 avril 2014

Mardi 1er avril 2014, le Premier ministre Di Rupo était l’hôte de la communauté juive de Belgique. À cette occasion, Maurice Sosonowski, Président du Comité de coordination des organisations juives (CCOJB), a interpellé le monde politique. Il revient sur ses priorités pour "La Libre".

Vous plaidez toujours avec vigueur pour une lutte renforcée contre l’antisémitisme…

Le spectre de la haine hante l’Europe et, hélas, toujours aussi notre pays. Sont ciblés : les Juifs, les Noirs, les musulmans, les Roms, les homosexuels. Tous sont présentés comme "l’autre", cet être honni au seul motif qu’il est "différent". Des partis populistes et d’extrême-droite ont le vent en poupe aux quatre coins de l’Europe et disent leur haine de nos démocraties. Mais, en outre, des salles entières rigolent des propos vomitifs d’un ancien humoriste et chez nous, certains se délectent des délires d’un élu de raccord à la Chambre… En même temps, les orthodoxes juifs sont agressés à Anvers alors qu’à Bruxelles, celui qui porte une kippa ou une étoile de David n’ose plus prendre le métro. Dans certaines cours d’école, le mot juif est devenu une insulte. En outre, des gardes privés et des policiers doivent assurer la protection des enfants éduqués dans les écoles juives. Nous avons déjà mis en garde contre ces dérives; il s’impose de remobiliser les esprits…

Que prônez-vous concrètement ?

Il y a clairement un gros problème d’éducation… C’est pourquoi nous avons plaidé auprès du Premier ministre afin d’introduire très tôt, dès l’âge de six ans, l’enseignement du respect de l’autre et de l’acceptation des différences. Comme le fait déjà le programme du Centre communautaire laïc juif, le CCLJ, avec "la Haine je dis non". Voilà une fantastique initiative de notre communauté, soutenue par les pouvoirs publics, mais qui touche moins de 10% des élèves. Il faut aussi soutenir les enseignants, qui ont une responsabilité immense. Hélas, ils sont trop souvent empêchés d’exercer leur métier lorsqu’ils abordent des sujets tels que la shoah. Car, s’il est important que chaque année, à Malines, nous nous souvenions et que nous y commémorions "le plus jamais çà", nous devons - et il y a urgence - pouvoir enseigner les mécanismes qui ont amené l’humanité dans les ténèbres.

Il faut aussi agir d’urgence sur le Net…

Comment en est-on arrivé à invoquer la liberté d’expression pour défendre la liberté de haïr ? Entendons-nous bien : la liberté d’expression est un bien précieux. Mais elle ne peut être la liberté d’appeler à la haine. Cette haine ne naît pas du néant, elle ne se nourrit pas d’elle-même, elle est stimulée. Un de ses principaux vecteurs aujourd’hui, c’est Internet. La Toile véhicule, en toute impunité, la promotion de la haine, du fanatisme et de l’endoctrinement. C’est pourquoi une régulation de ce fantastique outil est urgente. C’est impératif… Lire la suite.