Tribune
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Publié le 19 Décembre 2013

«Bachar al-Assad a un intérêt direct à "jihadiser" la révolution»

Propos recueillis par Luc Mathieu

 

Pour Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences-Po, la montée des islamistes dans le camp rebelle est le résultat «accablant» de la passivité occidentale. Jean-Pierre Filiu est professeur à Sciences-Po. Son dernier ouvrage, Je vous écris d’Alep (1), a été publié en octobre dernier.

Pourquoi la Syrie est-elle devenue la nouvelle terre du jihad international ?

 

La première raison est que la révolution n’a pas été en mesure, en raison de sa vulnérabilité aux frappes du régime, de maintenir la loi et l’ordre dans l’espace sous son contrôle. Un acteur régional, Al-Qaeda en Irak, s’y est engouffré en prenant le nom d’État islamique en Irak et au Levant. Ses membres ont refusé de prêter allégeance à Ayman Al-Zawihiri, le successeur d’Oussama ben Laden, mais poursuivent leur propre but qui est de porter le jihad vers l’Ouest, jusqu’aux territoires palestiniens. Ce sont des combattants aguerris, qui ont mené plus de dix ans d’insurrection en Irak. Ils ont été rejoints par des jihadistes du monde entier qui n’ont eu qu’à aller en Turquie avant de prendre n’importe quel bus jusqu’à la frontière. La seconde raison tient à la stratégie de Bachar al-Assad qui, dès mars 2011, a affirmé qu’il ne faisait pas face à une révolution, mais à une offensive du jihad international. Et alors qu’il faisait arrêter des milliers d’opposants, il relâchait les jihadistes emprisonnés en Syrie. Cela ne signifie pas que ces derniers soient des agents du régime, mais il est évident que Bachar al-Assad a un intérêt direct à «jihadiser» la révolution. Enfin, la passivité des pays occidentaux a accrédité et renforcé ce récit. Il est très difficile aujourd’hui pour un Syrien de ne pas penser que la communauté internationale et l’ONU jouent le jeu de Bachar al-Assad… Lire la suite.

 

(1) Denoël, 160 pages, 13,50 euros.