Tribune
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Publié le 6 Décembre 2013

Nelson Mandela : Rolihlahla, pour transfigurer le monde

Par Christiane Taubira

 

Ses cheveux en grains de poivre. Ses mains à la peau glabre et satinée, tendue, aux doigts replets. Ses poings fermés et pourtant doux comme deux amphores d'huile sacrée moulées de terre glaise pétrie et polie. La terre de Qunu. Ce balancement d'une jambe vers l'autre, ce sourire tendre et ces paupières pudiques, ces poings parant le plexus, non pour se protéger comme un boxeur, mais pour rythmer cette danse de la sérénité. La nation arc-en-ciel est proclamée, les résultats des premières élections libres, que certains appellent multiraciales, sont sans appel. C'est la première fois que je foule le sol sud-africain. Mais c'est déjà la deuxième fois que je rencontre Nelson Mandela.

 

Je m'étais blottie contre lui à Paris, en un lieu pourtant solennel, au ministère des Affaires étrangères. Sous le ciel d'un bleu austral, sous cette lumière à la fois vive et cordiale, il danse. Je suis fascinée. Figée comme un colibri ébloui par un alpinia fredonnant. Je le reverrai plusieurs fois. Et chaque fois, je cèderai au magnétisme.

 

Mais dès la première fois, ce pays inconnu m'est familier. Par la grâce de ses incomparables auteurs, de littérature, d'arts, de musique, de toutes expressions qui font la langue commune des hommes, sous toutes les latitudes où l'on refuse l'oppression, l'exclusion, la violence, l'aliénation, l'arbitraire. Et voilà la Terre, tout étonnée de se voir et se savoir assez ronde pour se mirer dans ce rêve grandiose d'une fraternité en actes, rêve si prompt à se dérober… Lire la suite.