- English
- Français
La conférencière Irshad Manji, musulmane nord-américaine, responsable d’un projet sur le courage moral à l’Université de New York, féministe, d’une intelligence pétillante avait su engager une conversation passionnante et libre avec la centaine de participants présents, en grande majorité musulmans. Cet homme, soudain agressif en me reconnaissant, alors que pendant la conférence il avait semblé capable de subtilité dans ses questions, se présentant comme un converti à l’islam, à ses yeux, religion des défavorisés, exerçant une profession paramédicale dans le quartier du Mirail, faisait référence à l’assassin du mois de mars 2012, auteur des tueries de Montauban et de Toulouse. Se tournant vers la conférencière, il l’interpella de façon cavalière en lui disant « on n’a pas parlé de la Palestine ! ». En souriant, Irshad Manji qui avait pendant son exposé exprimé sa répulsion pour l’antisémitisme, lui répondit « Pourquoi aurait-on parlé de la Palestine alors qu’il était question des nécessaires évolutions de l’Islam ? » à ce moment-là, une jeune femme d’origine tunisienne s’approcha et dit « on ne doit pas confondre les juifs d’ici et ceux d’Israël ». Cela se voulait apaisant. Allant plus loin dans la réflexion, avec sagesse, une femme d’origine algérienne dit à cet homme que depuis ici on ne pouvait pas connaître la réalité des relations entre les habitants de l’état d’Israël et ceux des territoires palestiniens, ou même au sein de l’Etat d’Israël ou des territoires palestiniens. Elle ajouta que c’est ici que nous devons tous avoir un comportement responsable, en particulier à la lumière de ce qu’il se passait dans les pays arabes.
Sûr de sa supériorité morale, cet homme n’avait aucune conscience que cette terrible phrase « S’il n’y avait pas de gens comme vous, il n’y aurait pas de gens comme lui ! », contient l’essence de l’antisémitisme ou du racisme d’ailleurs, au fond il s’agit de la racine de toute haine. En l’occurrence, cet homme me signifiait que les juifs sont à la fois responsables de l’antisémitisme et à l’origine du Mal sur terre. Selon lui l’assassin n’aurait jamais fait ce qu’il a fait s’il n’y avait pas de conflit israélo-palestinien. Terrifiant raccourci de la pensée. Instrumentalisation politique des raccourcis de la pensée. Cette pulsion humaine si profonde qui consiste à vouloir faire disparaître l’Autre pour permettre l’advenue d’un monde parfait diffère totalement de l’espoir en des temps messianiques qui permettront au contraire au loup de dormir aux côtés de l’agneau, sans faire disparaître l’un ou l’autre. Malheureusement, cette pulsion est aisément manipulée à des fins de pouvoir y compris dans des sociétés démocratiques par tous les extrêmes qui font miroiter le genre d’utopie au cœur de la pensée de cet homme, ce soir du 25 février dernier. Mais sans aller jusqu’aux extrêmes, l’ignorance, la confusion des idées peuvent favoriser ce penchant. Il est heureux qu’un ministre de l’Intérieur, en charge des cultes, aujourd’hui Manuel Valls, ait la lucidité de ne pas faire de l’islamophobie, terme créé dans les années 1970 par les mollahs iraniens afin de défendre leur vision de l’Islam, le pendant de l’antisémitisme, terme créé dans les années 1870 à des fins politiques, en Europe centrale et visant les juifs, accusés d’être à l’origine des malheurs du monde. La lutte contre toute forme de haine ne peut passer que par la compréhension de la nature humaine et par la clarté de la pensée.
Nicole Yardeni,
Présidente du CRIF Midi-Pyrénées.