Tribune
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Publié le 1 Juillet 2013

Et vous continuez à faire confiance aux médias du régime syrien…

Par Ignace Leverrier

 

Jeudi 27 juin 2013, une explosion s'est produite à Damas, à proximité de l'arc romain sur la Rue droite. Elle a provoqué des dégâts aux commerces situés non loin de là. Elle a surtout provoqué la mort de 4 personnes et fait une dizaine de blessés.

Les médias locaux, à commencer par les télévisions aussitôt parvenues sur les lieux, ont affirmé avec certitude qu'il s'agissait d'un "attentat commis par un kamikaze". Le secteur accueillant, au nord de la Rue droite et en direction de Bab Touma, un quartier à dominante chrétienne autour du siège et de la cathédrale du Patriarcat de l'Église grecque orthodoxe, et, au sud, l'ancien quartier juif aujourd'hui partiellement occupé par des membres de la communauté chiite, ils se sont empressés de le présenter comme une nouvelle démonstration de l'hostilité contre les autres confessions des terroristes qui constituent selon eux aujourd'hui le gros des révolutionnaires. Le cadavre d'un homme découvert sur les lieux a été présenté par la chaîne officielle Al-Ikhbariya comme celui du terroriste. Le refrain est connu… Il n'a pas tardé par être repris par l'Observatoire Syrien des Droits de l'Homme, qui s'évertue à mettre en exergue le caractère confessionnel des événements. Pour lui, l'explosion avait résulté du "déclenchement, près de la cathédrale, de la charge qu'un homme portait sur lui".

 

Comme s'ils n'avaient pas suffisamment été instruits par les capacités de manipulation du régime au cours de plus de deux années de crise, et que ni les attentats aveugles commis à Damas, ni les attentats ciblés contre certaines figures du système, ni les fausses informations diffusées autour des grands massacres, ni même la mise en scène ayant coûté la vie au journaliste Gilles Jacquier, ne les avaient incités à la pondération face à de telles opérations, la majorité des médias occidentaux, notamment français, de France 24 au Point, du Nouvel Observateur au Figaro, se sont fait un devoir de reprendre qui la dépêche de l'agence syrienne de presse et qui le discours de l'OSDH, pour titrer sur une "opération terroriste". Pourtant, dès la première heure, les Comités locaux de Coordination, l'Organisation générale de la Révolution et l'Armée Syrienne Libre avaient averti que cette thèse manquait de preuve et soutenaient que les morts et les dégâts avaient été provoqués par un obus tiré sur le quartier, à dessein ou par erreur, par les forces du régime.

 

Un jeune homme dont le cadavre a été retrouvé sur les lieux amputé des deux jambes a aussitôt été considéré comme le terroriste. La télévision iranienne Al-Alam a longuement expliqué qu'il transportait la charge explosive dans un sac à provisions qu'il avait avec lui et que l'un de ses camarades, épargné par l'explosion - ce qui témoigne que, si explosion il avait eu, elle n'avait pas été d'une très grande puissance - avait été arrêté et était entendu par les services compétents pour les besoins de l'enquête… On lui souhaite, après avoir échappé à "l'attentat", de survivre à son interrogatoire.

 

Malheureusement pour le régime et ceux qui continuent de préférer entendre ses affirmations plutôt que prêter l'oreille aux incitations à la circonspection de la révolution, des activistes n'ont pas tardé à diffuser sur les réseaux sociaux une vidéo qui montrait que l'explosion avait été le fait, non pas d'une charge explosive, mais d'un obus de mortier tombé immédiatement dans le dos du "terroriste". Le film a été enregistré par une caméra de surveillance de l'Association de bienfaisance Al-Ihsan, dont un dispensaire était proche du point de l'impact.

 

Mieux encore, il est apparu que le "terroriste", non seulement n'était qu'un passant qui avait eu la malchance d'emprunter cette rue au mauvais moment en revenant du marché avec ses sacs de nourriture, mais qu'il était chrétien… et employé à la Télévision Syrienne ! Comme le faire-part de décès bientôt placardé dans les rues du quartier n'a pas tardé à le confirmer, il répondait au nom de Housam Choukri Sarhan et il était de confession grecque catholique ! Une fois la vérité révélée, les médias syriens n'ont pas modifié leur version du drame. Ils se sont contentés de supprimer de leurs sites la photo du "terroriste" malgré lui et de la remplacer par une vue générale des lieux après "l'attentat".

 

Quant aux médias français concernés, ils n'avaient encore rien fait, samedi 29 juin dans la soirée, pour démentir ce qu'ils avaient initialement publié… Leurs lecteurs ne manqueront donc pas de considérer, comme le régime le souhaitait en orchestrant cette  nouvelle désinformation, que les chrétiens de Syrie sont aujourd'hui partout en danger.

 

Ce n'est pas faux. Cela ne les distingue guère d'ailleurs du reste des Syriens, de l'ensemble des autres communautés. Mais il est grand temps de s'apercevoir, comme l'opposition s'échine à le répéter depuis deux ans et quelques mois de révolution, que le danger qui les guette ne provient pas uniquement de ceux que le régime, à Damas et ailleurs, montre systématiquement du doigt.