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Vous avez une histoire familiale et personnelle assez singulière…
Certainement ! Mon grand-oncle, feu le Dr Saïd Mohamed Cheick a été député en France et fut le premier Président des Comores (sous l’autonomie interne) jusqu'à sa mort en mars 1970. Il y a également en France plusieurs membres de ma famille qui ont été décorés de la Légion d’honneur, dont mon grand-père paternel et le frère de mon grand-père maternel. Pour ma part, aux Comores, j’ai eu l’occasion de me faire connaître en qualité d’expert auprès du Programme des Nations Unies pour le Développement.
Vous êtes de confession musulmane?
Absolument, je suis musulman soufi et je suis héritier de la confrérie Chadhuli. Cette confrérie qui regroupe plus de 95 % de la population des Comores et de Mayotte demeure le rempart contre le fondamentalisme islamique prêché par certains pays arabes. L’influence de la confrérie Chadhuli dépasse le cadre des Comores et rayonne notamment à la Réunion, à Madagascar et en Afrique de l’Est.
Pourquoi avoir choisi de prendre la parole au nom du CNDR?
Au Conseil National de la Diversité Républicaine, nous militons pour que tous les Français issus de la diversité participent activement à la vie politique du pays. Nous nous sentons donc pleinement concernés par le débat sur « le mariage pour tous », car contrairement à ce que certains semblent penser, ce projet de loi touche absolument tout le monde. Ce n’est pas une affaire ethnique ou sociologique qui peut être réduite à une partie de la population.
Vous étiez avec vos filles aux États généraux de l’Enfant. Pourquoi?
Parce que c’est un sujet qui les concerne pleinement. Tout le monde en parle à l’école, il était important à mes yeux qu’elles puissent avoir connaissance des vrais enjeux de cette loi. Par ailleurs, il est parfois difficile, en tant que père, de faire prendre conscience à ses enfants du bien-fondé d’une opinion, surtout lorsqu’ils sont pris dans le piège de la propagande qui entoure leur vie quotidienne. En venant à la conférence, mes filles ont pu voir qu’en plus de leur père, de nombreuses personnes brillantes et éclairées partageaient la conviction que le « mariage pour tous » était un projet de loi dangereux et destructeur pour le bien-être des enfants et des familles.
Selon vous, que pensent les Ultramarins du projet de loi sur « le mariage pour tous »?
Ils sont, dans leur grande majorité, opposés par principe. Dans ce sens, les députés et sénateurs des DOM-TOM représentent bien leurs administrés en se positionnant également majoritairement contre. Prenons par exemple le cas de Mayotte, devenue récemment le 101e département français. Les Mahorais ont dû abandonner la pratique culturelle et religieuse du mariage polygame pour s’intégrer pleinement à la République. Ils ont accepté, non sans difficultés, cette condition allant à l’encontre d’une partie de leurs mœurs pour témoigner de leur sentiment d’appartenance à notre nation. Dans quelle cohérence conceptuelle se trouve-t-on aujourd’hui lorsque l’on interdit une pratique traditionnelle au titre des valeurs républicaines, alors qu’on s’apprête à peine un an plus tard, à vouloir autoriser et reconnaître légalement le mariage de deux personnes de même sexe?
Que pensez-vous de l’action de Christiane Taubira dans ce projet?
Sans vouloir remettre en cause ses compétences - qui sont reconnues - et son énergie, en tant que militante ultramarine, elle se devait d’être encore plus consciente des dégâts liés « à la rupture d’identité » contenue dans sa démarche. En effet, de par son parcours, elle connaît bien l’histoire de la Caraïbe. Comme l’a notamment montré Audrey Célestine à travers sa thèse de Doctorat, beaucoup de personnes souffrent de ne pas connaître leurs origines familiales du fait des politiques coloniales qui ont brisé les liens familiaux. Ces absences de racines se traduisent souvent par des cas de violence, d’alcoolisme, d’abandon de domicile familial ainsi que de nombreux problèmes psychologiques. Le projet de loi Taubira condamne des enfants de la nation à subir le même sort dans l’avenir. Il est par ailleurs triste et regrettable que ce rôle de « bourreau de la famille et de l’enfant » soit porté si haut par à une femme qui représente la diversité de notre République.
Vous êtes membre du collectif CIEUX. Qu’en est-il exactement?
Étant partisan et militant d’un meilleur « vivre ensemble » et d’un « Islam de France », partageant les valeurs de la République, j’ai été coorganisateur de la marche du 29 avril 2012 qui appelait à dire non au fanatisme religieux. Cette marche a été organisée par les musulmans après les assassinats commis par Mohammed Merah à Toulouse. Par la suite j’ai souhaité pérenniser mon action en faveur de la paix et du dialogue en devenant administrateur auprès de l’association Artisan de Paix. Plus récemment, j’ai rejoint le Comité Interreligieux et Laïc pour une Ethique Universelle et contre la Xénophobie(C.I.E.U.X) en devenant coordinateur pour le 15e arrondissement de Paris. C.I.E.U.X est une association née en 2007 et qui a pour objet de faciliter le « vivre ensemble » entre les fidèles des communautés religieuses officiellement reconnues, les laïcs et les habitants du quartier, quelques soient leurs origines ou leurs convictions. Aujourd’hui, je suis le délégué pour C.I.E.U.X et Artisan de Paix pour la zone des îles de l’Océan Indien et de l’Afrique de l’Est.
Vous avez effectué une mission historique en Israël et dans les territoires palestiniens en novembre 2012…
Effectivement, j’ai co-organisé avec l’Imam Hassen Chalghoumi, président de la conférence des Imams de France un voyage pour prôner le rapprochement entre les différentes parties concernées par le conflit israélo-palestinien. Cette délégation était composée de 17 imams Français originaires du Maghreb, de l’Afrique Subsaharienne et des îles de l’Océan indien. À cette occasion, je représentais le CNDR. Nous avons abordé lors de nos rencontres avec les autorités civiles, religieuses et politiques les problématiques économiques, culturelles et politiques afin de favoriser une solution durable au conflit israélo-palestinien.
Si vous aviez un message pour conclure, quel serait-il?
Ce serait d’appeler toutes les femmes, qui, en tant que mère, grand-mère, future maman, ou tout simplement femme à s’informer sur le « Mariage pour Tous ». Il est important que les femmes connaissent tous les enjeux et les implications de ce projet de loi. Pour elles-mêmes, pour leurs enfants et leur famille, pour les générations à venir, les femmes ne doivent pas tomber dans le piège du « droit à l’amour ». Plus que d’autres, les femmes africaines, de par leurs différentes cultures, sont les femmes qui sont en responsabilité, et elles ne doivent pas se faire déposséder ou passer à côté d’un sujet qui les concerne au plus haut point. C’est pourquoi je les invite à prendre connaissance du Livre Blanc des États Généraux de l’enfant, de s’en faire librement une opinion et de la partager. Les vidéos des interventions sont aussi disponibles sur le site de Cosette et Gavroche, l’association qui a organisé les conférences.
- Adresse du livre Blanc : http://www.cosetteetgavroche.fr/IMG/pdf/livre-blanc.pdf
- Site de Cosette et Gavroche : http://www.cosetteetgavroche.fr/videos
- Association Artisans de Paix : http://www.artisans-de-paix.org/fr/
- Association C.I.E.U.X : http://c-i-e-u-x.org/