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Partout, depuis des années, je lis dans la presse que le «système scolaire prend l'eau», que c'est une «fabrique du crétin», que nos professeurs sont médiocres, en grève quand ils ne sont pas en vacances et en vacances quand ils ne font pas grève, que les programmes sont indigents, qu'on n'enseigne plus la grammaire, ni la chronologie en histoire, qu'on zappe Louis XIV et Napoléon, etc. Quitte à choquer, je prétends, arguments à l'appui, que cette vision des choses est absurde, que la réalité est tout autre. Pour l'essentiel, il s'agit de fariboles répandues par des gens qui n'ont jamais lu les programmes officiels et se contentent de jeter un œil aux manuels, en effet souvent désastreux, de leurs enfants.
La vérité, c'est que nos programmes, qu'il ne faut surtout pas confondre avec ce qu'en traduit l'édition scolaire, laquelle est libre en France de les interpréter comme elle l'entend, sont dans l'ensemble plutôt bons. Hormis au primaire, où ils ont été hélas maltraités en 2008, et dans deux matières, la technologie et l'économie, où des progrès réels restent à faire, ils permettent de faire d'excellents cours pourvu que le professeur en ait le talent. Je demande, par exemple, qu'on regarde objectivement les instructions officielles touchant l'histoire en 6e et en seconde, ou encore celles de français, de biologie et de maths du lycée: il est difficile de trouver plus pertinent. Les professeurs disposent là d'une base solide pour travailler avec leur classe. J'ajoute que leur niveau de recrutement, notamment dans le primaire, n'a jamais été aussi élevé.
Contrairement, là encore, à une idée reçue, la qualité de nos enseignants est l'une des meilleures du monde, bien supérieure en moyenne à ce qu'elle était dans les années soixante-dix. Lorsque je rencontre les maîtresses de mes filles, je suis frappé par leur compétence et leur sens du devoir. Bien entendu, il y a comme partout des canards boiteux, des professeurs sans talent et des militants politiques, c'est inévitable, mais ce n'est pas le cas général. Alors qu'est-ce qui cloche et pourquoi le niveau baisse-t-il de manière si consternante d'après toutes les enquêtes de compétence nationales ou internationales?
Aussi pénible qu'il me soit de le dire, cela ne tient pas, ou pas essentiellement, au système scolaire ni à l'état de l'école, mais à celui des familles et à ce qu'il faut bien appeler la mauvaise éducation de nos enfants. Quand ces derniers sont «mal élevés», pour parler un langage familier, mais qui convient à la réalité d'aujourd'hui, l'enseignement devient tout simplement impossible. L'éducation, qui relève des parents en direction des enfants dans la sphère privée de la famille, doit précéder l'enseignement, qui relève des professeurs en direction des élèves dans la sphère publique de l'école. Or c'est d'abord là que le bât blesse, et il est trop facile de se défausser sur «le système» de ce que les adultes ne font plus.
Un enfant doit être déjà «civilisé» avant d'entrer à l'école, il doit avoir appris à respecter les autres, à écouter, à observer des règles de conduite qui permettent la vie commune. Il faut qu'il ait acquis le sens de l'autorité et de la loi. Or c'est là la tâche des parents qui doivent appliquer un principe simple: que votre oui soit un oui et votre non un non! Ne négociez pas en permanence l'heure du coucher, des devoirs, de fermer la télévision ou l'ordinateur.
Faute d'un minimum d'éducation, il suffit dans une classe de quatre ou cinq élèves privés de «surmoi» pour rendre la tâche des professeurs insupportable. C'est une bonne chose de consacrer un véritable enseignement à la morale civique. Il ne faudrait toutefois pas qu'il serve encore davantage d'alibi à l'incurie et au laisser-aller de certains parents. Car c'est avant tout leur démission qui est à l'origine du déclin dramatique de la maîtrise des fondamentaux, notamment de la lecture et de l'écriture, auquel on assiste aujourd'hui.