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Publié le 5 Avril 2013

France-Maroc: le maintien d'un partenariat d'exception?

François Hollande s'est rendu au Maroc du 3 au 4 avril. C'est la première visite du Président français depuis l'alternance politique à Paris, au printemps 2012, mais aussi depuis l'arrivée au pouvoir des islamistes du PJD à Rabat, fin 2011.

Quel est le but de cette première visite officielle?

 

Venir conforter la relation spéciale que la France s'enorgueillit d'entretenir avec le royaume chérifien, son principal allié au Maghreb. Et ce, alors que Paris est de plus en plus concurrencé sur place. Il s'agit aussi de remercier le Maroc pour son soutien appuyé à l'opération Serval au Mali, lancée en janvier.

Le Maroc est sans doute le pays du Maghreb où Paris est le plus à l'aise. Il n'y pas le lourd héritage historique d'une guerre d'indépendance, comme en Algérie. Quant à la Tunisie, depuis la chute de Ben Ali, qu'elle a horriblement mal gérée, la France y est aujourd'hui sur la défensive.

 

Cependant, au-delà de la traditionnelle visite d'amitié avec une délégation de ministres et de chefs d'entreprises, rien de très nouveau n'était attendu. Ni gros contrat, ni initiative politique d'ampleur. L'heure est plutôt à la continuité, dans le calme et la discipline pourrait-on dire.

L'alternance politique n'a pas eu d'impact sur la relation franco-marocaine?

 

Jusqu'en 2011, Rabat attendait beaucoup d'une candidature du patron du FMI, le socialiste Dominique Strauss-Kahn, qui a des racines maghrébines et a grandi à Agadir. Mais le Maroc joue de malchance: pour 2007, il avait déjà rêvé de voir le flamboyant Dominique de Villepin, natif de Rabat, accéder à la présidence française.

 

Plus sérieusement, le royaume s'est toujours accommodé des différents locataires de l'Elysée, au-delà des clivages partisans. Car la classe politique française dans son ensemble a toujours eu des relations de proximité -parfois controversées- avec le Maroc, qui compte la plus grosse communauté française du monde arabe.

 

Pour le cas de François Hollande, Rabat s'était inquiété de son "tropisme" algérien, développé depuis sa jeunesse. L'Algérie a d'ailleurs été la première destination du nouveau président au Maghreb, en décembre dernier. Il faut rappeler que les Algériens fêtaient en 2012 les 50 ans de leur indépendance et que Hollande avait alors une vraie carte à jouer.

 

Le roi Mohammed VI a toutefois été le premier chef d'Etat arabe reçu par Hollande à l'Elysée. En outre, peu avant son voyage à Alger, le chef de l'Etat avait dépêché au Maroc son Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, à l'occasion de l'inauguration du tramway de Casablanca.

 

L'effet "printemps arabe" est-il à prendre en compte au Maroc?

 

Bien sûr. En 2011, le royaume n'a pas été épargné par les contestations. L'opposition incarnée par le Mouvement du 20-février a bien fait fléchir le pouvoir royal en faveur des réformes. L'objectif de ce dernier était de désamorcer la "bombe" sociale.

 

Des élections législatives ont été organisées. Pour la première fois, le Roi a désigné comme Premier ministre le dirigeant de la formation victorieuse, à savoir Abdelilah Benkirane, du Parti de la Justice et du Développement (PJD).

 

C'est aussi la première fois que le gouvernement marocain est dirigé par des islamistes. Le PJD est réputé modéré, mais il est surtout proche du Makhzen (surnom habituel du "Palais"). La France en profite pour louer le "modèle" marocain de transition démocratique apaisée et la sagesse du roi Mohammed VI.

 

Le tableau n'est pourtant pas parfait. Le monarque et Commandeur des croyants concentre toujours la réalité des pouvoirs politique et économique. Sa personne demeure inattaquable et son régime autoritaire, bien qu'il n'ait heureusement plus rien à voir avec celui des années de plomb, sous Hassan II. Mais Paris ne tient pas à critiquer ouvertement son allié sur les sujets qui fâchent.

 

Plus important encore, le développement économique tarde à décoller. Et la gronde populaire persiste. Sur ce plan aussi, les Français sont contestés pour leur influence auprès du Palais. Par exemple, le grand projet du TGV Tanger-Casablanca - le premier d'Afrique et symbole fort du poids de la France au Maroc - est jugé totalement inadapté aux réalités du pays.

 

Le Maroc reste-t-il un "pré carré" de la France?

 

De moins en moins, même si Paris devrait demeurer à moyen terme le partenaire privilégié de Rabat. Depuis l'arrivée de Mohammed VI au pouvoir, en 1999, et la libéralisation qui a suivi, le Maroc s'est ouvert à d'autres pays.

 

L'Espagne, autre ex-puissance coloniale et premier voisin européen, a regagné en importance. C'est elle qui a ravi la place de premier fournisseur du royaume à la France en 2012. Cela dit, il s'agit d'abord d'une conséquence de la crise économique que les Espagnols traversent, car leurs exportations sont devenues plus compétitives.

 

Les Etats-Unis sont le rival le plus sérieux. A Rabat, on rappelle d'ailleurs volontiers que le Maroc a été le premier pays à reconnaître les Etats-Unis à leur indépendance. En 2004, un important accord de libre-échange a été signé avec Washington.

 

Plus récemment, une coopération stratégique a été établie, notamment sur les questions sécuritaires et celle du Sahara-Occidental. Barack Obama pourrait par ailleurs chercher à faire avancer ce dossier, enlisé dans les sables sahraouis depuis des années mais crucial pour l'intégration du Maghreb et du Sahel.

 

Enfin, il faut souligner la proximité du Maroc avec les pays du Golfe, en particulier l'Arabie Saoudite, ainsi que la montée progressive de la Chine, qui s'intéresse notamment aux phosphates et aux produits agricoles marocains. Des pays dont les arguments financiers sont désormais sans commune mesure avec ceux de l'Hexagone...