Tribune
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Publié le 21 Février 2013

Un Baron de la Drogue du Paraguay en cheville avec le Hezbollah

 

Par Anna Maria Luca

 

L’affaire remonte à la mi-décembre, l’an dernier, lorsqu’Interpol a appréhendé, dans la zone de transit de l’aéroport Charles-de-Gaulle de Paris, une jeune femme de 21 ans qui avait ingéré plus d’un kilo de cocaïne. Nelida Cardozo Taboada avait disparu de sa ville de résidence, quelques mois auparavant. Elle confessait à la police qu’elle avait été recrutée pour servir de « mule » de transit, par un réseau de trafiquants de drogue. Son employeur, une femme paraguayenne, mariée à un Libanais, l’avait convaincue d’avaler les sachets de cocaïne en lui promettant un travail comme femme de chambre à Varsovie, en Pologne.

 

Cela n’a pris à la police paraguayenne que quelques jours pour atteindre la tête d’un cartel de la drogue dirigé par un Libanais, à Ciudad Del Este, une ville située dans l’infâme zone des Trois-Frontières, où se touchent les limites territoriales du Paraguay, du Brésil et de l’Argentine. Wassim Abdel Fadel a été arrêté le 21 décembre, en même temps que sa femme paraguayenne. Mais ce que la police a découvert au cours de l’enquête l’a conduite bien plus loin qu’elle ne l’escomptait. 

 

Selon une information dévoilée par Interpol et la police paraguayenne, Fadel, 30 ans, faisait partie d’un réseau international de trafic de drogue, contrôlé depuis l’île Margharita, au Venezuela, une destination de vacances caribéenne, qui constitue également un foyer infâme des cartels de la drogue sud-américains. Le patron du Cartel est Ghazi Atef Nassredine, également connu comme Abu Ali, un partisan déclaré du Hezbollah, qui est devenu citoyen vénézuélien, il y a dix ans, à la suite de quoi, il est immédiatement devenu diplomate à Beyrouth et Damas. En arrêtant Fadel, Interpol et la police paraguayenne ont découvert un réseau international de blanchiment d’argent et de trafic de drogue, responsable de la livraison de cocaïne d’Amérique du Sud vers les États-Unis, l’Europe et le Moyen-Orient.

 

Fadel était à la tête d’un réseau qui envoyait de l’argent blanchi de la vente de la drogue, produite dans la zone des Trois-Frontières, vers des comptes en banque à Istanbul et Damas. Selon un communiqué de presse du Département de la police paraguayenne, envoyé à Now Lebanon, le réseau de Fadel envoyait régulièrement des sommes de 50 000 à 200 000 $ sur ces comptes. Après avoir enquêté sur leurs propriétaires, la police paraguayenne s’est retrouvée avec une liste de citoyens libanais connus pour être des membres de haut rang du Hezbollah. Bien que la liste n’ait pas été communiquée aux médias, la police a affirmé que les gens qui s’y trouvaient étaient impliqués dans les opérations financières du Hezbollah. Les mêmes comptes en banque sont aussi tenus pour avoir reçu de l’argent en provenance de différents continents.

 

Bien qu’encore jeune, Fadel avait obtenu le contrôle d’un véritable organisme de placement appuyé par le Hezbollah et d’un marché de la drogue à Ciudad del Este, à la suite de l’arrestation des dirigeants du réseau –les Libano-Américains Nemr Ali Zoayter, Amr Zoher, et Moussa Ali Hamdan- au Paraguay, avant d’être extradés vers les États-Unis. Zoayter et Zoher se sont fait prendre à Ciudad del Este, en 2008, alors qu’Hamdan a été arrêté dans la même ville, en juin 2010.

 

Selon les communiqués diffusés par la police paraguayenne, Fadel était en cavale depuis plus de trois ans. Non seulement, il faisait partie du cartel de la drogue, mais il était également propriétaire d’une société de pièces automobiles, Fadel Automotores, louée à Ciudad del Este. En 2008, plusieurs de ses clients ont porté plainte contre lui à la police, parce qu’il les avait escroqués.

 

Fade lest né à Toulin, un village de la région libanaise de Marjayoun. Il était évident, pour les villageois, qu’il avait fait fortune au Paraguay, puisqu’il avait fait construire un grand manoir dans sa ville de résidence. Cependant, il n’est pas le seul originaire de la région qui a fait fortune en Amérique du Sud ou en Afrique de l’Ouest. Effectivement, les villages du Sud Liban et de la Vallée de la Beqa’a sont parsemées de villas bâties par des expatriés. Mais savoir comment les émigrés ont trouvé leurs millions reste souvent un mystère.

 

Selon l’analyste libanais Kassem Kassir, une large partie de la population du Sud-Liban a migré vers différentes parties du monde, au cours de la guerre civile interlibanaise. L’Amérique du Sud est devenue une destination très prisée, il y a environ deux décennies, parce que le processus d’émigration vers l’Australie ou les États-Unis est devenu très difficile, ajoute Kassir, qui est un commentateur régulier pour le site de Now Lebanon en arabe. Les Libanais préfèrent souvent le Paraguay, parce que le « commerce a connu un boom dans ce coin du monde ».

 

“Vous savez, dans les villages, quelqu’un se rend à un endroit, s’installe, et commence à faire beaucoup d’argent, il appelle ses parents à le rejoindre, et c’est comme ça qu’une vague d’émigration en direction du Paraguay n'a cessé de croître », fait-il remarquer.

 

Le Hezbollah ne masque pas sa présence au Paraguay ni dans aucun pays d’Amérique Latine. Les fervents partisans du Parti ne cachent pas, non plus, leurs opinions politiques. Mais, jusqu’à quel point ils sont impliqués dans le crime organisé, en pleine connaissance ou non des cercles dirigeants du Hezbollah au Liban, cela reste à démontrer.

 

Beaucoup de gens en relation avec le Hezbollah sont présents au Paraguay, mais au sens où ils affichent leur soutien politique », dit-il. « Nous devons creuser plus profondément encore pour savoir s’il s’agit de véritables espaces culturels ou de succursales pour le Hezbollah, mais, bien sûr, énormément de gens qui soutenaient, à l’origine et qui continuent de soutenir le Hezbollah, se trouvent dans ce pays ».