Tribune
|
Publié le 15 Février 2013

Les femmes responsables de leur viol, selon les islamistes

 

Par Joseph Mayton

 

Les Frères musulmans au pouvoir invitent les Égyptiennes à réfléchir à deux fois avant de participer aux rassemblements populaires. Pas étonnant qu'elles soient victimes de viol si elles se mêlent aux hommes, affirment-ils. Une approche des plus déplorables, se désole le site Bikyamasr.

 

L'Égypte peut-elle dépasser son horrible identité patriarcale et donner aux femmes l'égalité qu'elles méritent aux niveaux tant économique que social ? Compte tenu des commentaires innommables du Conseil de la Choura [Sénat, lui aussi dominé par les Frères musulmans], la réponse semble encore plus éloignée du "oui" qu'il y a des années. Et ceci en dit long sur l'Égypte. 

 

Selon Ezzedine El-Komi, membre des Frères musulmans et secrétaire de la commission, "24 cas de viol ont été signalés place Tahrir ces derniers jours. Personne ne fait quoi que ce soit pour lutter contre cette tendance troublante", a-t-il ajouté en précisant que l'une des victimes récentes était une correspondante de Sky News TV.

 

Une fois encore, les Frères musulmans, en jouant sur les mots, pour accroître leur popularité, passent à côté de la réalité. Il y a des organisations qui luttent activement contre les violences sexuelles, par exemple Les gardes du corps de Tahrir, Opération anti-harcèlement sexuel et HarassMap. Présentes sur la place, ces organisations font appel à des volontaires pour sauver les femmes agressées par des hommes déchaînés qui s'en prennent aux femmes innocentes qui exigent simplement d'être entendues à l'heure où l'opposition au président Morsi s'intensifie.

 

Mervat Ebeid, une élue issue du parti des Frères musulmans, a pressé les femmes de "réfléchir à deux fois" avant de participer à des manifestations politiques "de façon à ne pas être la proie de délinquants sexuels et de voyous armés qui commettent des viols". Mais, au moins, Mervat Ebeid n'accuse pas les femmes de provoquer ces agressions. Car c'est exactement ce que soutiennent ses collègues masculins.

 

"Les femmes ne doivent pas se mêler aux hommes pendant les manifestations, a déclaré Reda Al-Hefnawy, du Parti de la liberté et de la justice [vitrine politique des Frères musulmans]. Comment peut-on demander au ministère de l'Intérieur de protéger une femme qui se trouve au milieu d'un groupe d'hommes ?" "Les femmes attirent parfois le viol en se mettant dans une situation qui en fait des objets de viol", a renchéri Afifi [un général issu des rangs du parti salafiste Hizb El-Asala (le Parti de l’authenticité)].

 

"Pas la véritable Égypte"

 

Il n'y a vraiment rien à dire à part que la stupidité et la misogynie sont profondément enracinées en Égypte. Ce sont les conservateurs qui font ces déclarations ignobles, mais ce sont les progressistes qui ne cessent d'avancer que ces incidents "ne représentent pas la véritable Égypte". Ils présentent des excuses, la colère gronde sur les réseaux sociaux pendant un jour puis s'évanouit, comme si le problème allait s'arranger sans en parler.

 

Il faut que nous, les membres de la société mondialisée, exigions de l'Égypte qu'elle mette en place des lois antidiscriminatoires, que les forces de sécurité appréhendent et traduisent en justice les auteurs de crimes sexuels. Il faut aussi que nous exigions la fin des brutalités policières de façon à ce que la police fasse ce qu'elle est censée faire : protéger les civils.

 

Les femmes demeurent en marge

 

Dans ce pays où la corruption est largement répandue et où la violence politique est monnaie courante, les femmes demeurent en marge. Il nous faut des leaders politiques et sociaux femmes pour remplacer les hommes qui abusent du système depuis bien trop longtemps. Ces hommes ne sont plus dignes du qualificatif de dirigeant égyptien.

 

Perpétuer des mythes sur la responsabilité des femmes ne fait que simplifier le problème dans cette société où les femmes sont déjà considérées comme inférieures. Le changement arrivera. Soit ces hommes l'accepteront, soit ils seront contraints de s'exiler là où est leur place : en Arabie Saoudite.

 

À la fin de la session, les membres de la commission du Conseil de la Choura ont recommandé l'instauration de "lieux déterminés pour les manifestations féminines." Ils ont également tancé les femmes "qui tiennent à manifester avec des hommes dans des zones non sûres".

 

C'est ça, parce que le problème, ce sont évidemment les femmes.