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Fadila Mehal a été à l'origine de l'association "Les Marianne de la diversité" en 2006, après la crise des banlieues qui a secoué profondément notre pays
Née à Cherchell, en Algérie, Fadila Mehal est le témoin d'une ancienne génération de l'immigration maghrébine en France, à une époque où beaucoup considéraient le retour dans le pays d'origine comme perspective et où, dans l'attente, il ne fallait surtout pas de distinguer : paradoxe de l'époque, c'est alors qu'ils ne se prétendaient pas pleinement français - beaucoup n'en avaient pas la nationalité - que ces immigrés algériens vivaient leur religion dans la discrétion, faisaient de l'Islam une question privée et surtout poussant leurs enfants à faire des études : toute sa famille a eu ainsi la chance d'accéder à l'Université, à une période où aussi "l'ascenseur social" n'était pas en panne comme aujourd'hui. À noter aussi l'éthique personnelle de Madame Mehal, qui a toujours tenu à travailler alors qu'elle allait tellement s'investir dans le monde associatif.
D'après elle, un tournant a été pris lorsque, se considérant définitivement comme français, beaucoup de jeunes ont eu une demande identitaire ; un retour à l'Islam s'est imposé pour certains, associé à un rejet des coutumes religieuses des parents et à une perte de prestige du chef de famille, souvent mis au chômage en raison de la crise : le chômage, cette "mort sociale" selon elle, explique beaucoup de dérives. À cela ce sont ajoutés depuis une dizaine d'années la peur des Musulmans liée au traumatisme du 11 septembre dont les auteurs, selon elle, ont fait énormément de mal aux jeunes musulmans diplômés en quête de travail : car ces terroristes étaient parfaitement intégrés, ce qui a beaucoup choqué et provoqué de la méfiance. Alors que certains ont fait de ce retour au religieux un cheminement purement spirituel, cela a été pour d'autres une manière de gérer des problèmes identitaires ou une frustration, et les "prêcheurs de haine" en ont profité - les islamistes radicaux sachant parfaitement jouer, en France comme en Algérie, de la solidarité sociale.
Face à cela, face aux nouveaux codes vestimentaires des femmes qui deviennent une façon de "marquer un territoire", les élus vont souvent jouer la carte de la facilité, en faisant des religieux - imams, responsables d'associations - des médiateurs, et ce de préférence aux laïcs qui existent aussi chez les Musulmans.
Fadila Mehal a été à l'origine de l'association "Les Marianne de la diversité" en 2006, après la crise des banlieues qui a secoué profondément notre pays. L'objet de son association et de donner une image positive de toutes les diversités - sociales, territoriales, culturelles - dans un esprit de cohésion nationale. Elle devrait ouvrir bientôt des antennes dans les pays du Maghreb. L'association intervient comme médiateur sur le terrain et en partenariat avec les élus et travailleurs sociaux. Elle porte un message de laïcité, en partenariat avec des militants de toutes les confessions, et en particulier avec l'U.E.J.F avec laquelle elle a participé au projet éducatif "Coexist". Elle a réalisé, enfin, une grande exposition itinérante appelée "Les femmes et la diversité au cœur de la République", qui rappelle l'itinéraire de femmes emblématiques de la culture française et d'origines diverses.
Une soirée bien riche, et surtout la découverte de concitoyens musulmans, à la fois féministes et républicains, et trop souvent oubliés par nos médias, nationaux comme communautaires.
Jean Corcos
Président de la Commission.