Tribune
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Publié le 21 Janvier 2013

Vanité! Vanité!

 

Billet de Roger Cukierman sur Judaïque FM 94.8 le lundi 21 janvier 2013

 

Nous avons eu la semaine dernière deux événements communautaires importants et intéressants, mais simultanés. La Convention nationale du CRIF et la Conférence organisée par l’UPJF l’organisation des patrons juifs. Quel dommage que ces deux organisations n’aient pas pu se coordonner pour éviter une concurrence dommageable pour les deux parties. Quelles en sont les causes ? C’est que l’UPJF ne fait partie du CRIF. Elle estime, comme le Consistoire, que de rester à l’extérieur lui permet d’être plus critique vis-à-vis du CRIF et d’être plus audible auprès du monde politique. 

 

 

Le Consistoire va même plus loin. Il revendique audacieusement de représenter l’ensemble de la population juive fort des quelques centaines de synagogues qu’il représente. Faut-il rappeler qu’il existe - et je le regrette - une proportion importante de Juifs qui ne mettent jamais, je dis bien jamais, les pieds dans une synagogue. Et il existe également d’autres Juifs qui ont choisi le mouvement libéral ou le mouvement Masorti de préférence aux synagogues consistoriales. Et il existe enfin d’autres Juifs, traditionnalistes ceux-là, qui n’adhèrent pas au Consistoire.

 

Alors, faisons un point d’histoire. Le CRIF a été créé fin 1943 en pleine Shoah. Se sont retrouvés dans la région de Grenoble, en pleine clandestinité, des représentants du Consistoire, des Sionistes, et des Communistes staliniens. Ils ont alors décidé la création du CRIF pour lutter ensemble contre les nazis, pour défendre les Juifs contre l’antisémitisme et pour envisager déjà de contribuer à la création d’un État d’Israël dès que la paix serait revenue. Quoi de plus éloigné que ces trois groupes religieux, sionistes et staliniens ! Ils se sont unis !

 

Tout naturellement, dès le retour à la paix il a été convenu que le religieux serait traité par le Consistoire, le social par le FSJU et le politique par le CRIF. Quoi de plus efficace que d’éviter de se marcher sur les pieds !

 

Aujourd’hui, parmi les 70 autres institutions membres du CRIF aucune n’a perdu son indépendance ou sa liberté d’expression. L’UEJF où les socialistes y côtoient les membres de l’UMP, et chacun comme la WIZO ou le B’nai B’rith s’exprime en toute liberté.

 

La vraie explication du refus du Consistoire de réintégrer le CRIF ou de l’UPJF de faire partie du CRIF relève peut être de la vanité personnelle des dirigeants de ces institutions qui espèrent ainsi avoir accès plus facilement au monde politique, et aux médias. C’est probablement un calcul exact à court terme et ce n’est pas d’une gravité extrême.

 

J’ajoute que de son côté le CRIF n’est pas exempt de défauts. Il devrait être encore plus transparent sur la justification du nombre de mandats que détient chaque association à l’assemblée générale (nombre d’adhérents, montant des cotisations, etc.) Il devrait aussi donner une vraie place à des adhésions directes de personnalités ou d’individus ou à l’association des amis du CRIF. Il devrait enfin veiller à ce que les membres de ses instances dirigeantes aient une durée de mandat limitée dans le temps afin de faire place aux jeunes, hommes et femmes.

 

Mais dans une perspective plus longue, je déplore cette situation de division qui me semble nuire  à l’ensemble de la communauté juive. Lorsque les Juifs sont en danger, ils doivent être unis. On comprend aisément que, si la politique gouvernementale heurtait pour une raison quelconque les intérêts juifs, soit sur une question de société soit sur la lutte contre l’antisémitisme, soit sur les relations entre la France et Israël, le gouvernement aurait beau jeu de jouer une institution contre une autre. C’est aujourd’hui un cas d’école, mais qui sait ce que nous réserve l’avenir ?

 

Le Grand Rabbin de France Gilles Bernheim qui est un sage dont la voix est entendue et respectée urbi et orbi a dit le 14 novembre 2011 : « Dès ma prise de fonction en 2009 j’ai appelé à la réintégration du Consistoire dans le CRIF ».

 

Il serait bon que les voix de la sagesse soient entendues !