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Ils n’avaient pas non plus identifié à quel point ces deux personnalités sont butées et orgueilleuses, atteintes par une inaptitude effrayante à actionner le levier de la marche arrière. Un peu à l’instar des molosses incapables de desserrer les mâchoires quand ils ont mordu une proie.
Dernier épisode en date de la guerre des deux chefs, la nomination par le pensionnaire de la Maison Blanche, lundi dernier, d’un nouveau ministre de la Défense (Secrétaire à la Défense) particulièrement hostile à l’État d’Israël.
Chuck Hagel – le nouveau ministre en question – représente le choix du président en vue du remplacement de Leon Panetta au Pentagone. Pour que son entrée en fonction soit validée, Hagel doit encore obtenir l’aval du Sénat, où les démocrates jouissent d’une fragile minorité, mais où certains d’entre eux, à l’instar du New-Yorkais Charles Schumer, ont fait part de leur réticence face au candidat proposé par son président.
En fait, depuis sa nomination, Hagel – lui-même un ex-sénateur républicain (1996-2008) et vétéran du Vietnam -, passe le plus clair de son temps à clamer son soutien indéfectible à Israël face aux critiques qui lui sont adressées dans ce sens.
"Il n’existe pas l’ombre d’une évidence pour affirmer que je suis anti-israélien", plaide l’intéressé, parfaitement conscient de l’empathie quasi unanime dont jouissent l’État hébreu et son 1er ministre au Capitole. Dans un quotidien de son Nebraska natal, Chuck vient de répéter que son passé ne portait que les traces de son "soutien sans équivoque et total en faveur d’Israël", et que les voix de ceux qui le mettent en doute sont marquées du sceau de la "calomnie et des distorsions".
On aimerait bien le croire, cela apaiserait nos nombreuses craintes, mais on n’y arrive pas. En fouillant dans son dossier, on trouve d’étranges initiatives et de non moins étranges commentaires. On note ainsi l’insistance de Hagel pour ouvrir un dialogue avec l’Iran et des milices terroristes comme le Hezbollah et le Hamas.
On tombe sur l’expression de son "scepticisme" quant à l’efficacité des sanctions contre l’Iran et même son refus d’en voter certaines.
En chinant un peu, on s’aperçoit qu’il ne croit pas en une frappe militaire contre Téhéran, même si toutes les autres tentatives visant à le faire renoncer à sa bombe atomique échouent. Et on ne trouve pas plus d’une poignée d’élus, dans les deux chambres confondues, pour soutenir ce point de vue.
Chuck Hagel dénonce aussi fréquemment la façon qu’Israël (Netanyahu) a de traiter les Palestiniens. Certes, à la Ména nous critiquons aussi l’inaction du cabinet actuel dans le domaine d’un règlement du conflit avec l’AP et l’absence de tout projet de sa part pour parvenir à un compromis durable. Mais nous ne sommes pas certains que ce sont ces mêmes préoccupations qui animent le probable futur ministre de la Défense US.
Car en 2006, il avait employé le terme rarement usité de Lobby juif, qui est incontestablement très actif sur les rives du Potomac, mais pas plus que le lobby saoudien, celui des producteurs de pétrole, des vendeurs d’armes à feu ou des constructeurs de voitures.
Lors de cette interview peu inspirée, l’ex-sénateur du Nebraska avait également tenu à préciser qu’il était "loyal aux États-Unis et non à Israël". Naturel et légitime aussi, mais sous la vaste coupole des deux chambres washingtoniennes, 95% des sénateurs et des représentants sont convaincus qu’il s’agit de la même loyauté, les deux alliés partageant, sur tous les principes fondamentaux, les mêmes intérêts.
Hagel peut bien rétorquer qu’ "il n’a jamais pris part à un vote qui aurait pu causer le moindre tort à l’État hébreu", dans la capitale fédérale, des professions de foi de ce genre sont absolument insuffisantes à vous faire passer pour un ami d’Israël.
En revanche, Chuck avait refusé de cautionner des propositions de loi proposées par les amis de Jérusalem. Il s’en défend aujourd’hui, en demandant, sous la forme rhétorique : "En quoi cela faisait-il avancer le processus de paix ? " Et d’ajouter : "Ce qui est dans l’intérêt d’Israël est de l’aider à trouver une manière pacifique de vivre avec les Palestiniens".
C’est là que ça se met déjà à grincer. Dans l’entourage de la coalition de droite aux affaires dans la Cité de David et Salomon, on déteste que d’autres définissent à notre place ce qu’est notre intérêt, même si cela provient de la part d’amis. Et on répète à qui veut l’entendre que l’enfer est pavé de bonnes intentions.
Que voici une déclaration qui sonne mal aux oreilles de Netanyahu et de Lieberman. Ils souhaiteraient voir au Pentagone un grand ami de leurs thèses, qui soutienne activement les principes de la "ligne rouge" dans le face-à-face avec la "République" islamique et qui "nous les lâche" avec les Palestiniens, et la personne proposée par Obama professe précisément le contraire de ces positions.
Mais à quoi pouvaient-ils s’attendre à Jérusalem, lorsqu’ils ont fait le pari raté de favoriser presque outrageusement l’élection du candidat Républicain Mitt Romney aux présidentielles ? Quand Netanyahu avait quasi exigé d’Obama qu’il endosse publiquement un ultimatum à l’adresse d’Ahmadinejad et de Khamenei ? Lorsque, après avoir essuyé un énième refus de la Maison-Blanche, Bibi avait tenté de le dépasser par l’intérieur en présentant son dessin de la grenade allumée à l’Assemblée générale. Comme si le Zimbabwe, la Micronésie, la Moldavie, l’Ouzbékistan ou même la France pouvaient faire peur aux ayatollahs.