Tribune
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Publié le 24 Décembre 2012

Bantoustan ou peau de léopard, c’est du pareil au même

Par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international

 

S’il est vrai que « la vérité sort de la bouche des enfants », de même la presse israélienne reflète, souvent, plus souvent la réalité que les déclarations officielles des ministres.
Ainsi, le correspondant du journal Le Monde, a emprunté le titre de son article, publié dans le numéro daté du 20 décembre (« Le bantoustan de Palestine »), à l’éditorialiste israélien, Nahum Barnéa, du Yediot Aharonot, écrivant, en parlant de Netanyahou et Lieberman : « entre le choix de la solution à deux Etats et un "bantoustan" - palestinien - , ils choisissent le "bantoustan ".

Rappelons que pour le Larousse, un bantoustan désignait « en Afrique du Sud, au temps de l’apartheid, (un) territoire délimité, « foyer national » attribué à un peuple ou à un groupe de peuples noirs (bantous). - Synonyme : homeland ».

 

Laurent Zecchini utilise, lui, l’expression de « peau de léopard » pour désigner une même situation : à savoir le fait que le développement des constructions israéliennes dans les Territoires disputés (expression qu’il n’utilise évidemment pas) conduit à morceler le futur Etat palestinien et à en faire apparaître la non-viabilité.

 

Il faut dire que le genre de justification avancé par le vice-Premier ministre israélien Moshe Yaalon, cité par Guysen Israel News, n’est guère sérieux. Il aurait déclaré à la radio de l’armée Galei Tsahal que « l’extension des quartiers situés au delà de la ligne Verte à Jérusalem, marquait simplement la reprise de projets suspendus lorsque les Occidentaux tentaient de convaincre le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, de ne pas rechercher la reconnaissance de l’ONU ». « Après ce qu’il a fait (aux Nations unies le mois dernier), nous ne nous sentons plus liés et nous relançons ces projets", a-t-il dit.

 

Cela n’a évidemment aucun rapport.

 

Et lorsqu’on nous rétorque qu’en réalité la critique du développement des constructions n’est qu’un prétexte, eu égard à la faible superficie concernée, ce n’est pas la superficie des constructions, qui est en cause, mais leur localisation, qui vise, principalement à rendre impossible toute liaison entre le futur Etat palestinien et Jérusalem.

 

Or, il est évident qu’Israël ne pourra jamais faire admettre à l’opinion publique internationale sa souveraineté sur le quartier arabe de Jérusalem, même s’il est vrai que la ville n’a jamais été, dans le passé, que la capitale d’un Etat juif.

 

Mais, « Autres temps, autres mœurs »…

 

L’isolement d’Israël sur la scène internationale ne fera que s’accentuer.

L’hostilité de l’Union européenne risque fort de se traduire sinon par une remise en cause des accords existants conclus avec Israël, lui accordant des avantages économiques substantiels, mais par leur non-renouvellement dans l’immédiat.

 

Quant au dernier bastion favorable que constituent les Etats-Unis, il n’est pas certain que l’administration Obama restera dans les mêmes dispositions à l’égard d’Israël, alors que des considérations électorales ne joueront plus dans 4 ans.

 

Car, comme l’a relevé Mylène Sebbah sur www.israel-infos.net, hier, au Conseil de sécurité des Nations Unies, lors de la traditionnelle réunion consacrée au Moyen-Orient, la porte-parole du département d’État américain, Victoria Nuland, a cru bon faire part de « la profonde préoccupation » de Washington et d’adresser à Israël une réprimande inhabituellement appuyée, qualifiant les plans de construction de « provocateurs ».

 

Certes, à ce stade, Washington ne pense pas, a expliqué Mme Nuland, qu’il serait « utile » de traduire cette réprobation en une condamnation du Conseil de sécurité.

 

Plus que l’attitude des autres Etats membres du Conseil, qui ont manifesté leur mécontentement, notamment, par une déclaration des quatre pays européens du Conseil de sécurité (France, Grande-Bretagne, Allemagne et Portugal) dans laquelle ils se disent « fortement opposés à ce qu’Israël étende la construction des colonies en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est », c’est cette « réprimande » américaine, qui devrait faire réfléchir les dirigeants israéliens.

 

Il n’est pas certain que cette mansuétude des Etats-Unis se maintienne dans les mois à venir.

Certes, on ne peut que déplorer l’acharnement de l’Assemblée générale des Nations Unies contre Israël, qui, il y a quelques jours à peine, a, encore, adopté 9 résolutions condamnant Israël et pas une seule concernant la Syrie.

 

Israël, lors de la session actuelle, a été visé par une vingtaine de résolutions, alors que seuls quatre autres Etats sont concernés par une résolution.

Mais cette « victimisation » certaine d’Israël ne justifie pas pour autant n’importe quelle réaction.