Tribune
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Publié le 6 Décembre 2012

Une erreur n’est pas un crime de guerre

Par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international

En fichier PDF téléchargeable ci-après, l’éditorial du Monde auquel le Pr Ruzié fait allusion.

 

D’après une information diffusée par Guysen.Israel.News, Nabil Chaath (photo), haut responsable palestinien, aurait menacé Israël de poursuites pour crimes de guerre, si la construction juive dans les Territoires disputés ne cesse pas : ''Israël continue à construire dans les colonies. Il s'agit d'un crime de guerre. Ce faisant, il nous pousse à saisir la Cour pénale internationale'', a-t-il affirmé.

Voilà le type même d’affirmation saugrenue que les médias particulièrement complaisants pour la cause palestinienne ne manqueront pas de répandre.

 

Certes, l’éditorial du journal «Le Monde, daté du 5 décembre, n’est pas tendre pour Israël.

 

Si l’on ne peut guère s’en étonner, il faut, cependant, admettre que, du point de vue juridique, il n’est guère possible, cette fois, de contredire les journalistes.

 

Mais, là n’est pas notre propos aujourd’hui.

 

Nous voudrions « tordre le cou » à une contre-vérité, largement répandue.

 

Sans doute, il est vrai que la reconnaissance par l’AG des Nations Unies d’un (non) « État de Palestine », dépourvu de territoire, voire même de gouvernement, va, toutefois, lui faciliter l’entrée quasi automatique dans le « système des Nations Unies », voire à la Cour pénale internationale (CPI).

 

Mais de là à imaginer que cela faciliterait la mise en accusation d’Israël devant cette juridiction, il y a – heureusement – un fossé quasiment infranchissable.

 

La « reconnaissance » en tant qu’ « État » de la « Palestine » lèverait certes les objections soulevées au printemps dernier par le Procureur auprès de la Cour (v. www.desinfos.com/spip.php?page=article&id_article=30709).

 

Toutefois, il faudrait, en premier lieu, que les Palestiniens (ou un quelconque État) puissent assigner Israël devant la CPI.

 

Ce qui, en l’état du droit, est pratiquement impossible.

 

Dans le cas général, un État ne peut être assigné devant la CPI que s’il est partie au Statut de la Cour, ce qui n’est précisément par le cas d’Israël, qui n’a pas adhéré à la convention de Rome.

 

Et s’il est vrai que la saisine de la Cour est, également, possible à la demande du Conseil de sécurité de l’ONU, cette hypothèse est hautement improbable, du fait que les États-Unis, seul véritable État ami d’Israël, jusqu’à présent du moins, ne manqueraient pas de faire usage de leur droit de veto.

 

Ainsi, contrairement à l’opinion erronée que nous avions émise dans notre point de vue ci-dessus rappelé, le  changement de statut international de l’entité palestinienne, par le vote du 29 novembre dernier, sera sans incidence, sur le plan de la recevabilité à assigner Israël devant la CPI.

 

Encore faudrait-il ensuite que, sur le fond, Israël puisse être, effectivement, accusé de crime de guerre, à propos du développement des constructions dans les Territoires disputés et à Jérusalem-Est.

 

Or, la méthode Coué n’étant toujours pas applicable en droit international, il n’en est rien.

 

L’accusation de « crime de guerre » est, par elle-même, grotesque, dès lors que cette incrimination suppose, généralement, des atteintes portées à l’intégrité de personnes physiques, voire des destructions de biens.

 

Or, rien de tel n’a jamais été allégué à propos de ces constructions, dont nous persistons, cependant, à déplorer le développement, dans des territoires, qui ne sont pas dotés d’un statut définitif (ce qu’Israël admet lui-même).

 

En cas de litige entre deux propriétaires voisins, généralement, l’un et l’autre doivent s’abstenir de toute initiative de nature à gêner le règlement du litige devant un juge.

 

Ici, aucun juge n’étant susceptible d’être saisi (en l’absence tout à fait invraisemblable d’accord de l’une et l’autre des deux parties), le sort définitif de ces territoires ne peut résulter, comme le souligne à juste titre Israël, qu’à la suite de négociations entre les deux parties.

 

Et dans l’attente – certes interminable – de négociations, il n’en demeure pas moins que toute initiative de nature à peser sur ces négociations devrait être évitée.

 

Ne pas le faire constitue tout au plus une erreur, mais non un crime et encore moins un crime de guerre.

 

Ce n’est pas parce que les Palestiniens ont l’habitude d’employer les « grands mots » (rappelons l’accusation de « génocide du peuple palestinien » reproché à Israël, qui a été, parfois, inconsidérément avancé…) qu’il faut tolérer cet abus de langage.

 

Ce n’est même pas une violation du droit international, bien que cette accusation soit répétée à l’envi par certains gouvernements, qui se présentent, pourtant, comme « amis » d’Israël, tel le gouvernement français.

 

Nous mettons au défi quiconque de citer une quelconque disposition de droit international (y compris de la 4e convention de Genève) qui serait violée par les « implantations » israéliennes.

 

Il ne suffit pas d’affirmer – de crier « au loup » -, encore faut-il prouver.

 

Mais, en conclusion, au risque d’indisposer certains internautes, nous nous permettons de rappeler qu’en droit international, « tout ce qui n’est pas interdit n’est pas nécessairement permis ».

 

Car, il faut tenir compte des droits présents ou à venir d’autres États.