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De quoi s’agit-il ? D’un compte rendu qui porte sur l’activité d’une ONG israélienne qui recueille depuis 2004 les témoignages de soldats envoyés dans les Territoires. Cette ONG s’appelle Breaking the Silence. Pourquoi Le Monde décide-t-il aujourd’hui de consacrer un article sur les activités de Breaking the silence ? Parce que l’ONG a rassemblé les « récits anonymes d’une trentaine de jeunes israéliens passés sous les drapeaux entre 2005 et 2011 et confrontés à des violences commises sur des enfants palestiniens. »
A la lecture de cet article, nous découvrons les témoignages.
Détaillons.
1) Un homme de 27 ans, au prénom d’Avner, ayant effectué son service militaire dans l’unité spéciale des parachutistes de l’armée israélienne, se souvient d’un « incident », selon ses propres termes : entrant dans une maison palestinienne un soldat a pointé son arme sur un père et un fils qui essayaient de lui parler en arabe. L’enfant qui voulait aller aux toilettes a eu peur et s’est uriné dessus. Fin de l’épisode. Le soldat s’était énervé. Avner ajoute que Tsahal traite de la même façon « un enfant qui jette des pierres et un militant du Hamas. »
Contre argument :
Un soldat devrait garder son calme, il peut être confronté à toutes sortes de situations périlleuses. L’épisode correspond à une de ces situations, puisqu’on dit qu’il fallait placer des observateurs ou des tireurs d’élite dans la maison. Le soldat n’a pas compris, il a perdu son calme et a menacé. Il a eu tort. Mais, en quoi cet exemple concerne-t-il toute l’armée israélienne ? Et comment et pourquoi, Avner, qui a été sensible à l’humiliation –involontaire d’ailleurs- subie par l’enfant, extrapole-t-il à cette conclusion que Tsahal traite de la même façon un enfant et un terroriste du Hamas ?
Nous comprenons l’émotion d’Avner. Nous ne comprenons pas le raccourci qu’il utilise pour discréditer l’ensemble des appelés israéliens. Tous les soldats pointent-ils leurs armes sur des enfants ?
2) Second témoignage : cette fois le fondateur de « Breaking the silence » parle. Que dit-il ? « Nous sommes loin de la violence palestinienne des années d’Intifada, mais l’armée se comporte comme à cette époque-là : pour contrôler les Palestiniens contre leur volonté, les militaires leur font peur et c’est devenu une routine. »
Contre argument :
L’honneur d’une démocratie est de révéler des dysfonctionnements, des fautes, des erreurs lorsqu’elles ont lieu. Félicitons-nous donc que Yehuda Shaul, fondateur de cette ONG puisse révéler des dysfonctionnements et/ou des fautes. Personne à notre connaissance n’empêche ce monsieur de dire ce qu’il a envie de dire.
Cependant, ce n’est pas parce qu’il n’y a plus d’intifada que les militaires ne sont pas sur leur garde. Rappelons à cet égard que de nombreux attentats ont eu lieu ces dernières années et les militaires doivent justement empêcher que des attentats aient lieu ou que des violences puissent se dérouler.
S’ils contrôlent les Palestiniens, ce ne sera pas avec leur volonté, c’est évident. Ils font peur ? Les militaires de nombreuses armées de ce bas monde font peur (plus ou moins). Et pour les militaires contrôler les Palestiniens est une routine, incontestablement.
3) L’un des soldats témoigne. Il dit que des soldats ont envoyé un voisin puis un enfant chargé d’entrer dans une maison où se trouve un suspect pour demander aux habitants de sortir.
Contre argument.
Il s’agit d’une faute. L’article rappelle que la procédure militaire israélienne interdit de faire appel à des civils pour cette opération potentiellement dangereuse. Donc en l’occurrence, le commandant de l’unité a enfreint les règles. Lui et lui seul.
4) Le même soldat rapporte que lorsqu’il a été affecté à Hébron, il a vu un enfant juif frapper un enfant arabe qui circulait sur un chemin, en direction du caveau des Patriarches, que les Arabes n’avaient pas le droit d’emprunter. Il ajoute : « Si l’enfant arabe avait répliqué, j’aurais dû l’attraper et le gifler. L’enfant juif est libre de faire ce qu’il veut. »
Contre argument.
Situation particulière de Hébron où la tension entre Juifs et arabes est exceptionnellement forte. Tension, souvenir des attentats, séparation stricte, la haine aussi malheureusement et son potentiel de violence.
Ce soldat témoigne que certains enfants juifs de Hébron eux-mêmes sont touchés par cette haine. La haine comme le racisme sont condamnables d’où qu’ils viennent. Seulement, le soldat déduit de cette scène déplorable qu’il aurait dû frapper l’enfant arabe s’il avait frappé l’enfant juif. Qui le dit ou l’imagine ? Lui. Est-ce écrit quelque part ? S’agit-il d’un ordre ? D’une procédure. Bien sûr que non.
5) Autre témoignage : un sergent de la brigade Kfir participe à une embuscade en Cisjordanie. Il raconte que des adolescents prennent régulièrement pour cible la « colonie » de Beit El. Il ajoute : « Un de mes amis était installé à Beit El, en position de tireur embusqué. Un gamin a balancé un cocktail Molotov. Mon ami a tiré. L’enfant est mort. »
Contre argument.
La mort d’un enfant (dans un conflit) est une tragédie. Mais, il s’agit d’un comportement individuel condamnable et on ne peut tirer d’un comportement individuel une généralisation qui stigmatiserait l’ensemble des appelés ou des résidents des implantations. Mais, cela n’est pas dit dans l’article.
Autre chose : comment se fait-il que des enfants jettent des cocktails Molotov ? L’utilisation des enfants (avec les risques qu’ils encourent) n’est-elle pas condamnable aussi ?
6) Finalement dans cet article nous vérifions que l’ONG a recueilli le témoigne d’une trentaine d’appelés de 2005 à 2011 et que l’ONG tente de sensibiliser la société israélienne à ces violences.
Contre argument.
Très bien et l’ONG fait son travail. Mais 30 témoignages, c’est peu. Combien d’appelés et de soldats ont-ils fait l’armée durant toutes ces années ? Déduire de trente témoignages qu’il y aurait une faute collective relèverait de la désinformation.
Il y a un contexte de guerre, d’une guerre cruelle. Mais trente témoignages ne font pas toute une armée qui au jour le jour veille à la sécurité de son pays.
Enfin, ce que l’ONG décrit et critique, nous aimerions le lire ailleurs. A notre connaissance quelle ONG palestinienne a critiqué le terrorisme, la violence et l’utilisation d’enfants ou de femmes dans des attentats terroristes ?
Pour terminer, nous aimerions que Le Monde témoigne aussi des cruautés dont ont été victimes les Israéliens. Nous aimerions qu’il témoigne des exhortations à la haine que la télévision palestinienne, Hamas ou Autorité palestinienne, diffuse tous les jours. Apologie du terrorisme, glorification des martyrs et du Djihad, propagande et antisémitisme Ne méritent-ils pas d’être relatés ?
Il ne s’agit aucunement de nier les faits qui sont rapportés. C’est aux autorités israéliennes de faire des enquêtes à ce sujet. Il n s’agit pas non plus d’excuser les auteurs de ces faits. Mais on peut remarquer plusieurs points
1° Dans les cas décrits dans cet article, la plupart, venant de toute autre armée, ne « bénéficieraient » pas d’une publicité aussi marquée. Ils font partie de ces dérives quasiment inéluctables dans toutes les armées du monde quelle que soit la tradition démocratique du drapeau sous lequel elles surviennent : pensons à l’armée américaine dont les épisodes révélés (Vietnam, Irak..) sont d’une gravité bien plus lourde.
2° C’est l’honneur d’Israël que des ONG puissent s’exprimer aussi librement pour révéler des exactions répréhensibles dans une armée démocratique. A quand l’équivalent chez ses voisins ?
3° Parmi les faits rapportés dans le journal aucun n’implique directement les échelons de commandement supérieur de l’armée, mais des comportements individuels. En fait dans les cinq épisodes signalés, deux ne concernent pas des militaires.
Pour conclure, il ne s’agit pas de prétendre que le racisme n’existe pas en Israël. Il existe et il y est aussi inexcusable qu’ailleurs. Mais de là à insinuer à partir des épisodes relatés, comme certains tentent de le faire qu’Israël est un pays raciste, il y a un énorme pas et une énorme manipulation. Israël est un pays où les dérives racistes sont vilipendées à tous les niveaux de la société et du monde politique et il est impératif que cette désapprobation morale continue de dominer le comportement des citoyens.
En illustration : un groupe de soldats israéliens jouent avec des enfants palestiniens malades.