Mais à force de manichéisme vitupérant, vos dessins ne me font plus rire. Et celui qui se trouve en page 1 du Monde du 10 juillet m’a franchement écœuré.
Cet « ultra orthodoxe » dont les papillotes se transforment en fils barbelés s’enfonçant dans une Palestine séparée d’Israël par une forteresse gigantesque couronnée d’un massif poste de garde, verse une larme à l’idée de ne plus être dispensé de service militaire.
L’allusion est claire : l’armée d’Israël, entre mur, miradors et fils barbelés, enferme les Palestiniens dans des camps. D’autres que vous l’ont déjà dit. Ils mentaient.
Avez-vous vu le boom des villes palestiniennes à Ramallah, Naplouse ou Jenine ? Avez-vous vu le bord de mer et les palaces de Gaza ? Dans lequel des camps que vous évoquez dans votre dessin existent de telles images ? Certes, elles ne représentent pas toute la réalité, loin de là, mais votre dessin la représente encore moins.
Libre à vous, bien sûr, d’apporter votre talent à la campagne savamment organisée qui assigne toutes les responsabilités sur Israël et fait l’impasse sur les espoirs de destruction entretenus par la plupart de ses voisins. Libre à vous de n’avoir pas consacré, à ma connaissance, un seul dessin à la haine antijuive qui s’expose à nu dans bien de ces pays. Libre à vous de caricaturer une armée sans laquelle Israël n’aurait pas une demi-heure d’existence. Libre à vous de décrire le monde en blanc et en noir, en oppresseurs et en opprimés. Et loin de moi de prétendre que la situation des Palestiniens est idéale.
Mais plus que quiconque, vous savez que nous « pensons » en images. Ce Juif ultra-orthodoxe qui fabrique des barbelés, c’est le Juif qui dans la France d’aujourd’hui est la cible privilégiée de ces actes antisémites qui ont explosé depuis la tuerie de Toulouse. Ses agresseurs potentiels, s’ils lisaient Le Monde, se sentiraient légitimés dans leur haine.
Je ne veux pas croire que ce soit votre objectif. C’est pourquoi je pense que publier aujourd’hui un dessin pareil est une décision irresponsable.
Je vous prie d’agréer mes sentiments distingués.
Richard Prasquier
Président du CRIF