Le Qatar a apporté une aide déterminante, en Libye, aux combattants anti-Kadhafi. Il joue les intermédiaires dans tous les grands dossiers du Moyen-Orient. Il bénéficie, il est vrai, d'une fenêtre de tir : l'Égypte est pour l'instant hors jeu, la Syrie en proie à la guerre civile, l'Irak empêtré dans ses luttes confessionnelles et l'Arabie saoudite paralysée par un système dynastique gérontocratique. Actif sur le plan géopolitique, l'émirat déploie aussi un activisme vibrionnaire dans le domaine du business. Dès qu'une opportunité se présente, les Qatariens sont sur les brèches pour investir : Volkswagen, Veolia, Vinci et peut-être demain EADS et Areva. Le sport est aussi sur leurs écrans radars, comme en témoigne le feuilleton du Paris Saint-Germain.
Le Qatar, sur la carte du monde, ce n'est pourtant pas grand-chose : une création récente (en 1971), 11 000 kilomètres carrés (la superficie de deux départements français), une population clairsemée (à peine deux millions dont à peine 300 000 Qatariens). Mais voilà : le Qatar dispose de 15 % des réserves mondiales de gaz. Il partage avec l'Iran le plus gros gisement de la planète. Au rythme d'extraction actuel, il y en a pour un siècle et demi au bas mot. De quoi continuer à alimenter la Qatar Investment Authority, le fonds souverain qatarien, véritable bras armé des ambitions économiques et politiques de l'émirat.
Le pactole du gaz
Le Qatar dispose aussi d'un instrument efficace de "soft power" : la très professionnelle chaîne d'information continue Al Jazeera, qui se déploie désormais dans le monde entier et pas seulement en langue arabe. L'émirat a également une politique culturelle agressive. Il a même créé un orchestre symphonique... Mais au fond, qu'est-ce qui fait courir ainsi le cheikh Hamad ibn Khalifa al-Thani, sur le trône depuis 1995 après avoir déposé son père, imprudemment parti en voyage sur les bords du lac Léman ? Le souverain pourrait se contenter de vivre de ses rentes et ne pas se mêler des affaires du monde où il n'y a que des coups à prendre...
Sauf que l'émirat est entouré de voisins dont il se méfie énormément : l'Arabie saoudite, d'abord, qui considère cette petite péninsule fichée à son flanc comme une anomalie. L'Iran, immense pays de vieille civilisation situé à quelques brassées d'eau de l'autre côté du Golfe. Et même les Émirats arabes unis, que le Qatar a refusé de rejoindre. Pour rompre cet encerclement, le Qatar a longtemps entretenu une alliance de revers avec l'Irak de Saddam Hussein. Aujourd'hui, il mise sur de solides alliances - avec les États-Unis, la France (un des fils de l'émir a fait Saint-Cyr) et une position planétaire qui lui garantit sa survie. Après tout, ce n'est pas la première fois dans l'histoire qu'un pays joue un rôle sans aucune mesure avec sa dimension géographique : rappelons-nous Venise la Sérénissime, dont le territoire continental n'allait guère au-delà de Vicence et de Padoue...
Photo: D.R.
Source : le Point