Cette semaine, l’Autorité palestinienne demandera devant les Nations unies la reconnaissance unilatérale d’un Etat palestinien. Deux points sont d’ores et déjà avancés : le retour aux frontières d’avant juin 1967 et l’établissement de Jérusalem Est comme capitale. Cette démarche, dans un processus de paix moribond où les pourparlers entre les deux protagonistes sont gelés, pourrait laisser penser que l’initiative est pertinente et qu’elle redonnera un nouveau souffle au dialogue. Comment ne pas affirmer son engagement aux côtés des Palestiniens pour la reconnaissance et la viabilité de leur Etat ? Comme les Israéliens, le peuple palestinien a le droit de disposer de lui-même, dans des frontières dignes de ce nom et reconnues de tous. Il est du devoir de la communauté internationale de garantir ces conditions. La création d’un Etat palestinien, souverain et indépendant, est indispensable à une paix durable dans la région.
Il est temps de mettre fin à la logique du durcissement réciproque des positions. Comment ne pas voir que l’initiative palestinienne est, aussi, une réaction à la fermeture du gouvernement israélien actuel ? Il est donc plus qu’urgent que Benyamin Netanyahou change sa politique vis-à-vis de l’Autorité palestinienne et reprenne l’initiative des négociations.
Pour autant, si notre pays approuvait la reconnaissance unilatérale d’un Etat palestinien, cela ne signifierait en rien l’assurance, pour le peuple palestinien, de vivre durablement en paix avec son voisin.
En politique étrangère, la France, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité et en tant que pilier de l’Europe, a une responsabilité particulière et éminente. Sa voix est reconnue, respectée et entendue dans le monde entier. A l’image de son opposition à la guerre d’Irak en 2003, la France doit avoir le courage de faire entendre sa voix. Une voix guidée par l’amitié qu’elle porte à ses partenaires, par la vérité et par le sens de l’intérêt commun.
C’est la raison pour laquelle la France doit renouveler, sans réserve, son engagement en faveur d’une résolution pacifique et négociée du conflit reposant sur le principe de deux Etats pour deux peuples. Pour autant, toute démarche unilatérale serait vécue par le camp d’en face comme une stratégie d’évitement des négociations visant, en creux, à imposer son point de vue. Cela n’est ni souhaitable, ni constructif, pour les Palestiniens et pour la reprise des pourparlers.
Une chose doit être admise : en dehors du dialogue politique, il n’y aura point de salut. De nombreux responsables internationaux l’ont compris. Barack Obama, lors de son allocution de mai 2011, expliquait qu’une paix durable n’était possible qu’à la stricte condition d’une démarche de type bilatérale. Dans le même esprit, comprenant que la démarche palestinienne pouvait être le fruit d’une aspiration trop longtemps étouffée et d’une «frustration» de ne pas encore avoir d’Etat pleinement reconnu, Tony Blair, émissaire du Quartette au Moyen Orient, a pourtant rappelé que le meilleur moyen d’accéder à cette reconnaissance demeurait le seul «processus de négociation».
Le camp palestinien est lui-même partagé, pour d’autres raisons, sur la question. Comme l’évoquait, lors d’un entretien avec l’Associated Press, le Premier ministre palestinien Salam Fayyad, une telle initiative ne manquerait pas de susciter des attentes au sein de la population palestinienne que la réalité du terrain ne saurait combler. Car une telle reconnaissance, non négociée avec le voisin proche, changerait-elle vraiment le quotidien des Palestiniens ?
Pire, elle pourrait crisper le camp israélien. L’aile dure de la droite israélienne promet l’escalade. Yuval Steinitz, le ministre israélien des Finances, va même jusqu’à envisager l’effondrement économique de l’Etat palestinien par le gel des transferts d’argent provenant des droits de douanes et de TVA prélevés par Israël pour le compte des Palestiniens.
Face à un conflit qui court depuis plus de soixante ans, il n’y a malheureusement pas de panacée. Rien ne soustraira les deux camps à une laborieuse, longue, difficile - mais ô combien nécessaire ! - négociation sur les questions des frontières, de la sécurité, des colonies, des réfugiés ou encore du statut de Jérusalem.
Au moment où nombre de nos partenaires, comme l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, sans oublier les Etats-Unis, ont déjà clairement exprimé leur réserve face à cette initiative, il est de la responsabilité de la France de rejoindre les voix de la raison et de mettre toute sa force, son amitié et sa fermeté au service de la négociation entre Palestiniens et Israéliens.
(Article publié dans Libération du 19 septembre 2011)
Photo : D.R.