Que trouve-t-on sur le site de l’Agence ? D’abord un éditorial ubuesque en date du 31 mai 2011 (1) dont on pourrait penser qu’il aurait pu être rédigé par un diplomate syrien, en poste à Paris. Extrait : « À en croire la grande majorité des médias, de CBS à Al-Jazeera, la Syrie est à feu et à sang, selon le schéma désormais classique (et même hollywoodien) du peuple luttant à mains nues pour la démocratie à l’occidentale, contre un pouvoir isolé ne s’appuyant plus que sur ses hommes de main…. Oui, c’est vrai, le sang coule en Syrie. Mais tous les manifestants ne sont pas désarmés et pacifiques ou en recherche de pluralisme. Mais toutes les victimes ne sont pas civiles. Et toutes ces manifestations ne sont pas spontanées. » Que lit-on plus loin ? Ceci : « Contrairement à pas mal d’alliés arabes de Washington, la Syrie est un pays où les minorités sont protégées, où les femmes sont actrices à part entière de la vie sociale, un pays d’ailleurs ouvert au tourisme et au monde. Un pays qui avance, à son rythme. C’est aussi, bien sûr, un pays où subsistent des problèmes. Mais dont les habitants, dans leur immense majorité, ne veulent pas suivre les fauteurs de guerre civile et religieuse. »
Les Syriens qui sont oppressés, bâillonnés, liquidés, torturés sur ordre de Bachar El-Assad apprécieront cette prose nauséeuse.
Sur ce site, il existe aussi différentes rubriques, la première est intitulée « Décryptage », sorte de revue de presse « hypercritique », qui prétend mettre en évidence « les trucages et falsifications généralement volontaires des médias sur la situation en Syrie, trucages inspirés par les mots d'ordre de l'Amérique et de ses alliés européens et arabes. » Une autre rubrique pompeusement intitulée « ré-information » publie des articles qui proposent une autre interprétation de l’actualité, entendre par-là, une interprétation pro-gouvernementale de l’actualité. Il existe même une rubrique « Galerie », avec de jolies photographies de villes et paysages syriens. Enfin, l’Agence dit avoir contacté les candidats à l’élection présidentielle 2012 (2) pour leur demander leur position à propos de l’engagement de la France dans l’OTAN et, « particulièrement, du droit d’ingérence dont pourrait disposer l’Etat Français (3) »
Sous forme d’entretien, on trouve le récit du séjour qu’Alain Soral a effectué, dimanche 21 août et lundi 22 août, avec quelque 200 journalistes et personnalités de 18 nations en Syrie, à Damas d’abord puis à Hama (4). Rappelons qui est Alain Soral : militant du Parti communiste dans les années 1990, il devient en novembre 2007 membre du comité central du Front national, chargé notamment des affaires sociales et du problème des banlieues, jusqu'à son départ de ce parti le 1er février 2009. Il préside depuis 2007 Égalité et réconciliation, association « nationaliste de gauche » dont il est le fondateur, Il se présente aux élections européennes de 2009 en Île-de-France en 5e position sur la « liste antisioniste » conduite par Dieudonné (5).
Soral raconte : « Deux avions étaient pleins, et notamment de journalistes invités par les autorités syriennes. Parmi lesquels, côté français, une journaliste de FR3 et son équipe et un reporter du Figaro » qu’il critiquera par ailleurs. Soral ajoute : « Sinon, d’assez gros contingents de journalistes russes, indiens, plus quelques personnalités pro-syriennes venues de différents pays. » A la question de savoir si l’on voit beaucoup de policiers à Damas et si l’on a le sentiment d’un « état de siège », Soral répond qu’il ne voit aucune différence avec sa première visite, voici cinq ans, quand tout était calme : « il n’y a aucune présence militaire ou même policière visible à Damas et dans ses environs. » Il ajoute aussitôt : « Pour en revenir à Damas… on ne voit dans la capitale syrienne aucun bombage politique, de tags sur les murs. Tout ça donne une impression de calme civil général, une atmosphère urbaine au moins aussi respirable que celle de Paris », affirme-t-il effrontément.
Plus loin, Soral parle enfin des opposants au régime. Selon lui, ce sont « des groupes actifs de « snipers », d’assassins, à l’évidence financés et armés de l’extérieur, disposant par exemple de téléphones satellitaires de haut niveau et d’armes de guerre modernes, s’appuyant sur une base sociale islamiste radicale indéniable, et donc capable de commettre des provocations très graves, causant la mort de nombreux policiers ».
Et Thierry Meyssan ?
Le journaliste français Thierry Meyssan qui soutient Kadhafi -connu pour avoir ouvert la polémique sur les attentats du 11 septembre 2001 avec son livre L'Effroyable imposture, dans lequel il développe ce que ses détracteurs qualifient à juste titre de « théorie du complot »- fustige cette fois « la guerre médiatique menée par les chaînes satellitaires entre autres CNN, France 24, BBC et al-Jazeera, pour envenimer la communauté internationale, ternir l'image des gouvernements et justifier les agressions terroristes », affirme-t-il… « La façon avec laquelle les médias occidentaux se comportent vis-à-vis de la Syrie et de la Libye constitue un tournant dans l'histoire de la guerre psychologique, à travers l'utilisation de nouveaux procédés qui ont surpris l'opinion publique internationale", ajoute sans rire Thierry Meyssan dans un article publié sur le site Egalité et Réconciliation et par le réseau Voltaire, que rapporte avec joie… la très officielle agence de presse arabe syrienne, Sana (6). Et pour cause…
Notes :
2) A savoir pour le Nouveau Parti Anticapitaliste: Philippe Poutou ; Lutte Ouvrière: Nathalie Arthaud ; Europe Ecologie - Les Verts: Eva Joly ; Le Parti de Gauche: Jean-Luc Mélenchon ; Parti Radical de Gauche: Jean-Michel Baylet ; Parti Socialiste: Martine Aubry - François Hollande - Ségolène Royal - Arnaud Montebourg ; Nouveau Centre: Hervé Morin ; Mouvement Démocrate (MODEM): François Bayrou ; Parti Chrétien Démocrate: Christine Boutin ; République Solidaire: Dominique de Villepin ; Parti Radical: Jean-Louis Borloo ; Debout la République: Nicolas Dupont-Aignan ; Les Démocrates: François Bayrou et pour le Front national, Marine Le Pen.
3) Voici les questions qu’InfoSyrie pose aux candidats à l’élection présidentielle « Vous êtes candidat(e) déclaré(e) à l’élection présidentielle. Dans ce cadre, nous souhaiterions vous interroger, comme l’ensemble de vos concurrents, sur votre vision de la politique étrangère de la France. La France a réintégré l’OTAN, sous la direction et par la volonté de l’actuel chef de l’Etat. Dans cette logique et au nom du droit d’ingérence « humanitaire », notre pays s’est lancé dans une politique d’intervention armée à l’étranger ou de stigmatisation. Vous aspirez à présider aux destinées de notre pays. Nous aimerions, en conséquence, connaître votre position sur deux questions qui nous paraissent essentielles :
-Etes-vous partisan, ou non, d’une sortie de la France de l’OTAN ?
-Etes-vous partisan, ou non, du droit d’ingérence ? »
Le site indique que les réponses seront publiées sur le site InfoSyrie.fr le 15 septembre 2011.
4) Cet entretien est publié sur le site Internet d’Alain Soral
Photo : D.R.