Ces trois prétentions sont fausses.
En ce qui concerne la situation alimentaire à Gaza, diverses ONG rejettent le terme de crise et le mot de blocus est inapproprié. L’ouverture du terminal de Rafah avec l’Egypte devrait faciliter les passages, sans bouleverser une situation très améliorée depuis qu’Israël a beaucoup accru les envois de produits de première nécessité. Cette ouverture rappelle que le blocus ne provenait pas uniquement d’Israël, mais aussi de l’Egypte, et le Hamas, qui s’enrichit des trafics dans les tunnels, est réticent à installer des sources d’approvisionnement plus visibles. Il y a une grande pauvreté (et de grandes inégalités) à Gaza. Y participent la croissance démographique, le confinement géographique et la mal gouvernance économique que ne surmonte pas le soutien de la communauté internationale: un Gazaoui reçoit 40 fois plus d’aide qu’un Congolais. Et si l’objectif du bateau est d’ordre alimentaire, pourquoi ne pas protester contre une vraie famine, en Corée du Nord, où des dizaines, peut-être des centaines, de milliers d’habitants meurent de faim pour satisfaire la scandaleuse soif de pouvoir de la clique gouvernante? La raison est simple : la Corée du Nord, c’est loin, très isolé, très peu médiatisé et très dangereux. Elle ne mérite donc pas son moment d’indignation. Alimentation ? Non, communication. Un bateau pour l’aide? Non, un bateau pour rien.
La paix ? Tous, nous la désirons. Mais le bateau pour Gaza ne débloquera pas le dialogue avorté entre le gouvernement israélien et l’Autorité palestinienne. Il déplacera de façon néfaste le curseur de légitimité au sein de la représentation palestinienne. C’est son objectif réel: faire avancer l’idée que le Hamas est une organisation comme les autres. C’est bien vers le territoire contrôlé par le Hamas que le bateau se dirige et nul n’imagine que le Hamas n’en tirera pas gloire. Or, le Hamas n’est pas une organisation sociale, ni culturelle, ni même politique : c’est une organisation terroriste, définie comme telle par tous les pays démocratiques. Ce n’est pas le blocus de Gaza qui a poussé le Hamas à l’extrémisme, c’est l’extrémisme du Hamas qui a obligé les Israéliens au blocus. Et l’arrêt du blocus ne transformerait pas le loup en agneau. La récente interception en mer d’armes lourdes provenant de l’Iran via la Syrie justifie le blocus à elle seule. Au demeurant, le Hamas où certains cherchent pathétiquement des nuances entre modérés et durs, a une particularité digne d’éloges : la sincérité. Jamais il n’a abrogé sa charte où il prône l’extermination des Juifs, l’interdiction d’abandonner un centimètre carré de terre à Israël et le retour par le djihad du territoire historique de l’Islam étendu à l’Europe. Ses dirigeants ont annoncé leur admiration pour Ben Laden et leur rejet de Salam Fayyad. Nous sommes tous, Juifs ou pas, concernés par son projet, dont nous sommes tous des cibles potentielles. Un bateau pour la paix? Non, un bateau pour le Hamas et donc un bateau pour la guerre sainte.
Les droits de l’Homme ? L’idée que les organisateurs de la flottille de 2010 étaient de doux humanitaires avait pris un sérieux coup lorsque sont apparues les images des militants déchaînés armés de couteaux, matraques, chaînes et barres de fer sur le pont du Mavi Marmara, les mêmes qui avaient chanté la nuit leur désir de mourir et de tuer pour l’Islam. C’est le même groupe IHH, dont le chef Bülent Yildirim veut éradiquer le « virus » israélien, qui est à l’origine de la flottille de 2011. On sait par ailleurs que le gouvernement turc s’est récemment opposé à cette initiative et au départ d’un tel bateau depuis la Turquie. Les politiciens, intellectuels ou « people » qui monteront dans la flottille ne serviront que d’écrans et d’idiots utiles. Ils exprimeront dans les medias l’indignation anti israélienne sélective qui est leur marque de fabrique, mais la réalité de l’opération sera ailleurs et ils feindront de l’ignorer. Ils pourraient peut-être plaider la naïveté fourvoyée s’ils n’avaient pas rejeté avec mépris la demande d’intervention pour Gilad Shalit, retenu en otage par le Hamas depuis cinq ans dans des conditions ignobles. Bateau pour les Droits de l’Homme ? Non, bateau –école pour l’aveuglement volontaire.
Divers dirigeants politiques, nationaux ou internationaux, ont souligné le caractère incongru et potentiellement dangereux de ce bateau. Au vu de l’utilisation politique par certains partis, de l’appui financier de certains syndicats ou associations, dépositaires de l’argent public et dont la raison d’être n’a rien à voir avec les objectifs réels du bateau pour Gaza, on ne peut qu’être écœuré de cette initiative de faussaires, qui traduit une haine obsessionnelle contre Israël à laquelle il est indécent de demander aux Juifs de France de rester insensibles.
Richard Prasquier, Président du CRIF
(Article publié dans Libération du 24 juin 2011)
Photo : D.R.