Que pensez-vous de l'initiative française visant à une reprise des négociations israélo-palestiniennes en juillet?
Nous accueillons favorablement toutes les initiatives, surtout quand elles viennent de la France. Le problème est complexe et nécessite une solution urgente. Mais il faut être deux pour danser le tango. Les Palestiniens doivent être prêts à aller vraiment de l'avant et pas seulement à dire qu'ils sont prêts. Nous considérons que l'objectif doit être de parvenir à une solution prévoyant deux États pour deux peuples. D'un côté, Israël, patrie du peuple juif, où celui-ci puisse exprimer ses espoirs et ses rêves et vivre son destin. De l'autre côté, un État palestinien, patrie du peuple palestinien, où celui-ci puisse exprimer ses espoirs et ses rêves et vivre son destin. C'est à dessein que je formule cet objectif en termes strictement symétriques. Le contenu d'une solution à négocier est bien connu. Un accord doit comprendre le règlement de toutes les questions, y compris celle des réfugiés (palestiniens), et mettre un terme définitif au conflit, avec un renoncement à toute revendication ultérieure.
Vous posez de nouvelles conditions...
Nous faisons face à une situation nouvelle depuis que les Palestiniens cherchent à intégrer le Hamas dans leur démarche. Le Hamas appelle explicitement à la destruction d'Israël. Nous demandons aux Européens qu'ils exigent des Palestiniens, et pas seulement de Mahmoud Abbas, mais aussi du Hamas, qu'ils se conforment aux conditions du Quartet: reconnaissance d'Israël, respect des accords conclus et renonciation au terrorisme. Cela implique de la part du Hamas de commencer à démanteler les dizaines de milliers de roquettes dont ils disposent pour terroriser les civils israéliens. Nous sommes donc prêts à aller de l'avant, à examiner toutes les initiatives en tenant compte de ce que je vous ai dit.
Pourquoi l'évocation par Barack Obama des frontières de 1967, comme base d'un accord, a-t-elle suscité une réaction israélienne aussi négative?
Nous ne pouvons pas revenir aux lignes de 1967. Nous avons été attaqués sur ces frontières et nous n'avons pas pu les défendre. Cela dit, il est clair que, pour arriver à une solution de compromis, il faudra dessiner une frontière tenant compte de la démographie et de la sécurité. Elle devra inclure les blocs d'implantations et les quartiers juifs de Jérusalem. En termes de superficie, ce sont des modifications mineures. C'est une question de formulation. Nous ne voulons pas qu'une ambiguïté permette de nouveaux malentendus.
Que pensez-vous du projet de faire adopter en septembre aux Nations unies une résolution reconnaissant un État palestinien?
Si le but est de trouver une solution négociée, ce n'est pas le meilleur moyen. Ce qu'il faut, c'est se retrouver autour d'une table. La paix n'est pas la justice absolue, c'est un compromis.
Le «printemps arabe» rend-il un accord plus urgent ou plus difficile pour Israël?
Les deux. Cela complique les choses pour les Palestiniens. Mahmoud Abbas n'a plus l'appui de Moubarak. Il pense qu'il doit tenir compte davantage de l'opinion en incorporant le Hamas. Pour nous aussi, la situation est plus complexe à cause du Hamas et parce que rien n'est stable autour de nous. Israël est devenu le dernier îlot de stabilité dans la région. Les gens se demandent si c'est le moment de prendre des risques. Mais, personnellement, je pense que la paix est aussi devenue plus urgente. On ne peut pas prévoir quels seront les régimes qui vont surgir, même si, à long terme, ce qui s'est produit dans le monde arabe est porteur d'espoir. Il y a autre chose qui nous inquiète: derrière les efforts très positifs pour la paix, nous voyons surgir un mouvement très négatif en faveur d'une délégitimisation d'Israël.
Que va-t-il se passer en Syrie?
Après trois mois et 1500 morts, Assad a perdu sa légitimité. Il est condamné. Il peut tenir trois ou six mois, mais il a passé un point de non-retour et ne pourra plus retrouver sa légitimité.
Est-ce bon ou mauvais pour Israël?
Si le peuple syrien peut exprimer sa volonté, c'est une bonne chose. Je ne pense pas que le pays finira entre les mains des Frères musulmans. Les Syriens ont été marqués par la présence française. Ils sont majoritairement laïques. Et puis, si Assad tombe, ce sera un coup très fort porté à l'Iran et au Hezbollah, un affaiblissement significatif de l'arc chiite qui va de Téhéran au Liban. Le fait que la Turquie ait cessé de soutenir Assad est très significatif.
Qu'en est-il de la menace iranienne?
L'attention mondiale s'est détournée de l'Iran. Mais la hausse des prix pétroliers a atténué l'effet des sanctions. La chute de Moubarak a été pour Téhéran un succès inespéré. L'Iran reste déterminé à acquérir un armement nucléaire tout en soutenant le terrorisme dans toute la région et veut prendre le contrôle de la région du Golfe. La vraie question n'est pas tant de savoir quand et comment ils deviendront une puissance nucléaire. Elle est de savoir s'ils peuvent franchir une ligne invisible au-delà de laquelle on ne pourra plus rien faire pour les en empêcher. Cette ligne invisible n'est pas très éloignée. Le temps qui les en sépare se compte en trimestres ou en semestres. C'est la raison pour laquelle il faut renforcer les sanctions.
Photo : D.R.