J’ai évoqué récemment les dangers de l’extrême droite en France et en Europe. Nous savons qu’il y a à l’extrême droite un antisémitisme nourri par deux mille ans de tradition chrétienne fondée sur l’accusation de déicide. Les choses ont changé depuis Jean XXIII et Jean Paul II mais pas encore assez pour éradiquer la haine du Juif. On connaît la définition d’un antisémite : c’est quelqu’un qui déteste les Juifs plus que nécessaire !
En revanche ce qui est nouveau, et très grave, c’est l’apparition à l’extrême gauche d’un antisionisme virulent qui accuse l’Etat d’Israël de se comporter comme un état fasciste. Les Verts, les partis d’extrême gauche en sont arrivés à soutenir et encourager le boycott des produits israéliens pourtant interdit par la loi, à signer des pétitions soutenant le Hamas, pourtant considéré par la communauté internationale comme une organisation terroriste, à ne voir dans les Israéliens qu’un peuple qui pratique l’apartheid à l’égard des Palestiniens.
Lorsque je présidais le CRIF, j’ai été l’objet d’une action en justice intentée par la LCR de M. Besancenot qui considérait que par ma formule d’une alliance brun, vert, rouge dont je redoutais l’influence néfaste, j’accusais ce parti d’antisémitisme. J’ai été heureusement relaxé au terme d’une longue procédure, et malgré le témoignage à charge de M. Stéphane Hessel.
Mais comment ne voit-on pas que l’antisionisme place les juifs, qui soutiennent dans leur immense majorité l’Etat d’Israël, en position d’accusé. Notre solidarité avec ce petit et seul état juif au monde, refuge contre les persécutions dont nous sommes victimes depuis des millénaires, n’est pas seulement une position politique et morale. Et peu importe qu’on soit d’accord ou pas avec la politique suivie par le gouvernement israélien : cette solidarité est pour nous existentielle. Comme le disait Elie Wiesel : je ne vis pas en Israël, mais Israël vit en moi.
Alors oui, le danger que représente dans ce pays l’extrême gauche est pour nous l’un des dangers les plus sérieux et les plus immédiats. Il nous place en parias de la république, il nous isole dans la communauté nationale. L’influence de ce courant s’étend bien au-delà de ce que donneraient à croire les sondages et les élections car il est particulièrement bien implanté dans trois professions essentielles : nombre de journalistes, nombre d’enseignants, nombre de juges adhèrent à ce courant de pensée. Or ces hommes et ces femmes façonnent l’opinion publique. Ils forment notre jeunesse. Ils interprètent le droit.
C’est d’autant plus grave que l’antisionisme avance caché, certains diraient voilé. Et il donne une sorte de légitimité aux actes antisémites commis notamment par certains jeunes des banlieues issus de l’immigration. On contribue ainsi à diviser la nation. Si les Juifs se comportent mal, il serait légitime de s’en prendre à eux. Finalement même si au départ cette pensée gauchiste est animée de sentiments généreux et respectables à l’égard des Palestiniens, sans a priori antisémite, bien de bonnes âmes trouvent dans l’hostilité aux Israéliens une manière élégante de cacher des sentiments antisémites. L’antisionisme devient ainsi le nouvel habit de l’antisémitisme dont l’opinion publique peut se repaître en toute bonne conscience.
C’est sans doute l’explication de l’exclusion de Gilad Shalit dans le décompte quotidien du nombre de citoyens français kidnappés dans le monde qui nous est servi quotidiennement sur les chaînes télévisées.
Alors oui, il faut tout faire pour que l’extrême gauche ne puisse pas étendre son influence !
(Chronique diffusée sur Judaïque FM 94.8 le 30 mai 2011)
Photo : D.R.