Quel est le sens de votre présence au Forum de l'innovation qui rassemble sous l'égide de la France des responsables israéliens et arabes à Paris ?
Israël, depuis sa création, a développé de nombreuses technologies liées à l'usage de l'eau. Israël est aujourd'hui le premier pays au monde pour le recyclage des eaux usées : 90% des eaux usagées sont réutilisées en Israël, pour l'agriculture. Les Palestiniens, de leur côté, ne réutilisent pas leur eaux usées. Nous pouvons les aider dans ce domaine. Le comité sur l'eau entre les deux partis a toujours fonctionné depuis les accords d'Oslo. Il existe aujourd'hui 28 projets notamment liés au traitement de l'eau, mais ils sont bloqués. La France peut aider à avancer. On peut parler des heures sur les droits sur l'eau, mais il vaut mieux trouver des solutions aux problèmes concrets. Israël peut aider tous les pays de la région, à commencer par l'Autorité palestinienne parce que l'eau est une question existentielle et c'est un problème qui est là. Trouver des solutions, cela permet de bâtir la confiance et d'envisager plus facilement par la suite des compromis. C'est très simple de critiquer Israël, de critiquer son armée, c'est plus complexe de prendre en compte la volonté israélienne, celle du premier ministre Benjamin Netanyahu, d'aider les Palestiniens à se développer.A partir de 1967 [date de la conquête de la Cisjordanie et de Gaza], la consommation d'eau par habitants a augmenté considérablement chez les Palestiniens alors qu'elle a baissé légèrement côté israélien. En 1967, seulement 5% des localités palestiniennes étaient raccordées à l'eau, aujourd'hui c'est 95%.
Le président des Etats-Unis a évoqué le 18 mai la ligne de 1967 comme base d'une frontière en Israël et un Etat palestinien. La réaction israélienne a été très négative, quelle serait votre alternative ?
Nous avons beaucoup d'endroits en Judée et en Samarie, des sites historiques et bibliques sur lesquels nous avons des droits moraux, où les juifs ont vécu des milliers d'années, ce qui veut dire que le jour où nous tracerons une frontière, cela ne voudra pas dire nécessairement que nous devrons évacuer ces juifs de leurs maisons. De même, nous ne disons pas que les 1300000 Arabes vivant en Israël et qui se définissent comme Palestiniens devront déménager en cas d'un accord de paix. Un accord de paix ne veut pas dire une évacuation. Il n'est pas raisonnable d'attendre qu'Israël accepte ce que sera la frontière avant même que les négociations ne commencent. On a dit haut et clair que l'on accepte un Etat palestinien, c'est un grand changement d'un point de vue idéologique pour le Likoud. On a dit qu'il fallait qu'il soit viable, ce qui renvoie à sa taille. Mais on a également des demandes : l'arrêt de la demande que les réfugiés palestiniens reviennent en Israël, car ce serait à terme la fin de l'Etat juif, on veut qu'ils acceptent qu'Israël soit un Etat juif comme il y aura un Etat palestinien. Ces demandes sont raisonnables et beaucoup d'hommes d'Etat le pensent. Mais les Palestiniens ne les ont jamais acceptées. Avec les premiers ministres israéliens comme Ehoud Olmert et Ehoud Barak, ils ont négocié des frontières sur la base de 1967 sans jamais accepter ces demandes. Notre conclusion est que si on accède à leurs demandes territoriales dès le départ, ils ne seront pas incités à passer des compromis. On ne sait pas ce que sera l'avenir dans les territoires palestiniens. Si le Hamas prendra un jour le contrôle de la Cisjordanie comme à Gaza. Or beaucoup de centres de populations importants en Israël sont beaucoup plus proches de la Cisjordanie que de Gaza. Mettre à nouveau la pression sur Israël va inciter les Palestiniens à privilégier la voie unilatérale et à négliger la question du démantèlement des structures terroristes où à lutter contre les appels contre Israël. Le premier ministre a accepté l'idée d'un Etat palestinien, il a accepté un moratoire sur la colonisation, une décision sans précédent, il a levé un certain nombre de barrage et l'activité économique est florissante. Après tous ces pas, les Palestiniens boycottent les Israéliens dans tous les cénacles internationaux. Ils refusent de coopérer avec nous aux dépens de leur propre population. Car lorsqu'ils refusent de s'engager avec nous sur le traitement des eaux usées, ce sont les Palestiniens qui sont les premiers affectés, puis les Israéliens…
En parlant de cette ligne de 1967, voulez-vous dire que M. Obama prend la responsabilité de bloquer des négociations ?
Sur ce sujet, l'opinion que j'exprime ne représente que moi-même, on sait que les Etats-Unis eux-mêmes reconnaissent que leur attitude sur la colonisation a été une erreur. Personne ne sait ce que serait la position de Benjamin Netanyahu si quelqu'un voulait négocier avec lui. C'est pourquoi on attend que la pression internationale se porte sur les Palestiniens pour éviter un vote aux Nations unies [sur la reconnaissance de la Palestine, en septembre] qui serait une victoire pour le Hamas. Si on croit qu'Israël abandonnera ses demandes sous la pression de l'unilatéralisme, on se trompe, car c'est la sécurité d'Israël qui est en jeu.
Benjamin Netanyahu est-il au centre de l'échiquier politique israélien aujourd'hui ?
Ce qui compte, c'est ce que pensent les électeurs du Likoud, les sondages ont montré que la majorité des Israéliens soutiennent son discours et qu'une majorité de cette majorité soutient également le Likoud. Il est au centre-droit car dans son discours [au Congrès, le 24 mai] il a bien précisé qu'il faudrait prendre en considération les changements démographiques intervenus depuis 1967 [en Cisjordanie, avec la colonisation] et qu'Israël devrait conserver les places où il a un intérêt national, le quartier juif de Hébron, Shilo ou Bet El où existait le temple juif. Tout sera décidé par la négociation, pas déclaré avant cette négociation. Que des localités resteront derrière la frontière mais qu'un Etat palestinien ne veut pas dire que des juifs ne pourront pas y vivre.
Propos recueillis par Gilles Paris, pour l’édition du Monde du 1er juin 2011.
Photo (le ministre israélien Gilad Erdan) : D.R.