À la suite du programme d’action issu de la conférence de Durban, la CNCDH reconnaît la contribution positive du développement d’internet à l’exercice du droit à la liberté d’expression et le plein respect du droit de rechercher, de recevoir et de diffuser des informations. Il convient cependant de veiller à ce que ce média ne soit pas utilisé « à des fins contraires au respect des valeurs humaines, à l’égalité, à la non-discrimination, au respect d’autrui et à la tolérance, notamment pour propager le racisme, la haine raciale, la xénophobie, la discrimination raciale et l’intolérance qui y est associée, » en raison notamment du fait que « des enfants et des jeunes ayant accès aux documents diffusés pourraient en subir l’influence pernicieuse » 24.
Sur l’observation du racisme sur internet
Comme le souligne le rapport de Mme Falque-Pierrotin, il n’est pas possible de dresser un bilan quantitatif de ce phénomène : s’il est vraisemblable que le nombre de discours racistes a augmenté, comme le note l’étude de M. Knobel, il reste difficile de savoir si cette augmentation est tout simplement la conséquence de l’augmentation du nombre des sites internet, ou la traduction d’une plus large diffusion des discours de haine sur internet. Plusieurs études qualitatives soulignent par ailleurs la grande variété des discours racistes et antisémites sur internet, la diversité de leurs auteurs et la multitude de canaux par lesquels ils s’expriment (sites, forums, blog, commentaires, réseaux sociaux…).
L’évolution des discours racistes sur internet, les abus qui peuvent être constatés, et l’impossibilité de les quantifier sont autant d’éléments qui justifient la création d’un observatoire indépendant, comme le recommande la CNCDH depuis de nombreuses années. Cet organe permettrait de mettre en place des indicateurs assurant un suivi attentif, tant qualitatif que quantitatif, des manifestations racistes, antisémites et xénophobes sur internet.
Sur le volet législatif
Si internet présente un certain nombre de spécificités, la lutte contre le racisme sur internet n’appelle pas nécessairement de modification de la législation pénale existante. La CNCDH considère avant tout qu’une politique de lutte contre le racisme sur internet doit être efficace et respectueuse des libertés publiques. Aussi, la CNCDH ne recommande-t-elle pas de filtrage des contenus racistes par l’autorité administrative qui se dispenserait de l’intervention du juge judiciaire. En effet, la liberté d’expression étant un droit, les restrictions qui lui seraient portées ne peuvent être décidées sans le contrôle d’un juge indépendant.
Sur le volet opérationnel
Il est indispensable que pour lutter efficacement contre le racisme sur internet l’ensemble des acteurs de la chaîne pénale soit pleinement impliqué.
La vigilance des services de police et de gendarmerie, dont la mission est de veiller à l’enregistrement de l’ensemble des plaintes relatives à des propos racistes sur internet, doit être accrue. Le développement de l’activité de la plateforme PHAROS chargée de rassembler les signalements des internautes portant sur des contenus illicites rencontrés sur le Web sous le contrôle de l’office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC) pour lutter contre le racisme sur internet doit également être encouragé. En effet, compte tenu des spécificités du média internet, il est nécessaire de concentrer sur un seul et même acteur l’initiation et la coordination des actions. La CNCDH demande ainsi, à la suite du rapport de Mme Falque-Pierrotin, que soient renforcées les capacités techniques et financières de l’OCLCTIC.
Le faible nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées pour propos racistes peut laisser subsister un sentiment d’impunité.
Il est donc nécessaire que l’ensemble des acteurs de la chaîne pénale porte une attention toute particulière au traitement de ces cas. Au niveau 166 Les manifestations du racisme en France en 2010 du Ministère Public, l’alternative aux poursuites peut être une solution adaptée à certains propos publics, mais il est nécessaire que les propos racistes les plus graves diffusés sur internet fassent l’objet de poursuites.
Certains parquets ont d’ores et déjà pris l’initiative de s’appuyer sur les dispositions de l’article 50-1 de la loi du 29 juillet 1881 pour faire barrage à l’activité de sites illicites. La CNCDH invite le ministère de la Justice à encourager dans ce sens l’action des parquets dans la lutte contre le racisme sur internet. D’autre part, les condamnations pouvant être prononcées à la suite de ces poursuites devraient faire l’objet d’une large publication, pour rappeler à l’ensemble des justiciables que des propos racistes tenus sur internet constituent un délit.
Enfin, il convient de prendre en compte la nature même du média internet, qui ne permet pas à la France de mener une action isolée. En effet, une législation qui n’entrerait pas dans le cadre d’une activité concertée de la communauté internationale risquerait d’être rapidement contournée.
Aussi, l’action du ministère des Affaires étrangères pour la ratification la plus large possible de la Convention contre la cybercriminalité est une initiative qu’il convient de saluer et d’encourager.
Photo : D.R.
Source: rapport de la CNCDH, 2010.