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Publié le 17 Mars 2011

«Dieu Tout-puissant, prends notre peine comme une offrande»

Il a perdu sa fille bien-aimée Ruthy, son gendre et trois petits-enfants. Autour de lui, ses dix autres fils et filles et leurs nombreuses familles, sa femme, Tali, née Maarek. Et toute une communauté. Plus encore, toute une nation.




Le Rav Ben-Ichaï est une personnalité du monde francophone d'Israël. Installé à Arnona depuis des années, il est un des plus fervents instilleurs de Torah auprès des Français de Baka. Un des fondateurs de la communauté Emouna.



Il a déjà marié deux générations de Français, soudé des couples au bord de la rupture, dispensé des dizaines de cours de pensée juive. Avec son épouse, il a fait du Shalom Bayit (paix des ménages) une de ses missions préférées. Avec celle de former la jeunesse, le terreau du peuple juif de demain.



La tragédie d'Itamar vient de le frapper dans sa chair. Le priver de ce qu'il avait de plus cher, de "ces âmes pures, de ces Justes sur terre, de ces êtres aimés et sains", a-t-il déclaré lors de l'oraison funèbre.



Il a perdu son petit-fils Yoav, 11 ans, "un étudiant brillant dont la vie est finie", Elad, 4 ans, "qui souriait tout le temps même quand il venait de s'ébouillanter". Et Hadas, "la plus petite, elle était tout : mignonne, adorable, si proche de sa mère". Un grand-père au désespoir, mais un homme de foi, avant tout : "Dieu le Tout-puissant, prends notre peine comme une offrande. Crois en nous, donne-nous, inonde-nous de ta lumière pour éloigner l'obscurité. Tu sais très bien qui tu as pris."



Yehouda et Tali Ben-Ichaï s'étaient rencontrés dans un mouvement de jeunesse, en France. Une aliya idéologique, 11 enfants, et toute une vie au service d'Israël, de la Terre et du Peuple.



Leur fille Ruthy avait reçu en héritage la fibre sioniste, l'amour du Grand Israël. Avec son mari Oudi, ils avaient d'abord élu domicile dans le Goush Katif, jusqu'au retrait de 2005.



Ruthy, une jeune femme charmante, un vrai tempérament, rappelle Shmuel Nataf, un proche de la famille : "Une vraie fille du pays qui savait défendre ses idées et était aimée de tous". Si "Ruthy parlait avec son ventre", Oudi, lui, "était toujours calme, posé, réfléchi". Le déracinement du Goush Katif a été une épreuve pour le couple, mais le jeune père de famille avait décidé d'aller de l'avant, "c'est passé, maintenant on avance", avait-il déclaré quelques mois après le retrait à un cousin encore pétri de nostalgie. Un passage par Ariel avant de rejoindre Itamar. Et de connaître le pire.



De la joyeuse famille, il ne reste aujourd'hui que Tamar, 12 ans, Roï, 7 ans, et Yshaï, 2 ans. Roï qui anone aujourd'hui le Kaddish auprès de son grand-père, alors qu'il sait à peine lire.
Croire en l'Homme, encore



Depuis dimanche 13 mars 2011, le domicile du Rav Ben-Ichaï et de sa femme Tali, à Jérusalem, ne désemplit pas. Anonymes, voisins, amis, tous veulent soutenir la famille. Une grande enseigne alimentaire aurait même livré tout un stock de marchandises pour ces invités imprévus qui vont se relayer tout au long de la semaine de deuil.



Parmi les visiteurs venus rendre leurs hommages aux parents éplorés, l'ambassadeur de France, Christophe Bigot. "C'est la moindre des choses", déclare le diplomate qui n'en est pas à sa première séance de shiva depuis sa prise de fonctions. Ruthy avait reçu la nationalité française de ses parents et l'avait transmise à sa famille. Ce qui avait valu la présence du consul général de France lors des funérailles.



Pour Christophe Bigot, il était important de venir apporter le soutien de la France à ses compatriotes, suite à un tel massacre "qui ne peut laisser indifférent et a été très intensément ressenti par les Israéliens, mais aussi par les Français".



Et Bigot de se faire l'écho de la ferme condamnation de la France, prononcée par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, qui a très rapidement déploré cet "acte de barbarie". Reste maintenant à espérer que cette action terroriste soit un fait isolé, qui ne laisse pas augurer d'une nouvelle vague de violences, avance le diplomate. Car, rappelle-t-il, "la Cisjordanie n'avait pas connu une telle période de calme depuis la première Intifada. Ce genre d'actes odieux vient rappeler que la sécurité est essentielle et reste pour Israël une préoccupation majeure".



C'est un ambassadeur particulièrement ému qui s'est entretenu avec le Rav Ben-Ichaï. Christophe Bigot a rencontré "un homme très digne, qui fait preuve d'un courage extrême". Un père et grand-père brisé mais qui s'est employé à délivrer des messages d’universalités : ni teneur politique, ni discours de revanche, mais la volonté de croire aux valeurs humaines. Un "moment poignant" pour le diplomate qui s'est déclaré "surpris que le rabbin soit étonné" de sa visite.



Le Rav Ben-Ichaï s'est montré sensible à la démarche de la France et l'initiative individuelle de Christophe Bigot. Il a tenu à partager en toute dignité sa douleur infinie et le déchirement de son épouse, mais aussi sa foi et sa croyance en l'Homme. "Nous sommes tous des êtres humains, nous sommes des fils, des pères, nous ne pouvons que nous associer à la souffrance de cette famille", a ponctué Bigot.



Photo : D.R.



Source : Le Jérusalem Post