Il y a eu espoir que les otages en Afghanistan pourraient être libérés, qu’est-ce qui bloque?
La situation de tous les otages figure en tête de mes préoccupations. N’oublions pas non plus les otages du Sahel, notre otage en Somalie et l’otage franco-israélien retenu dans la bande de Gaza. Ce sont toujours des situations extrêmement délicates et vous comprendrez que je ne veuille rien dire qui puisse gêner leur libération.
Comment réagissez-vous au dernier attentat contre des chrétiens d’Orient en Egypte?
C’est pour moi une préoccupation majeure que dans certaines parties du monde on ne puisse pas exercer librement ses croyances. Cela fait partie des fondements de la République française que de voir reconnu sa liberté de pensée, sa liberté de croyance, quelle qu’elle soit. Nous avons dépassé le temps des déclarations et des inquiétudes. C’est la raison pour laquelle je vais prendre un certain nombre d’initiatives avec mes collègues européens pour assurer la protection des chrétiens d’Orient.
Envisagez-vous d’en accueillir en France?
Au lendemain de l’attentat de Bagdad, nous avons accueilli 38 blessés irakiens et leurs accompagnateurs pour qu’ils soient soignés. Comme nous l’avons dit, une fois que les gens sont soignés la logique est qu’ils puissent retourner dans leur pays. S’ils ne peuvent le faire, cela revient à donner raison à ceux qui les ont attaqués. Néanmoins si certains se considèrent en état d’insécurité, il est logique de leur donner l’asile.
Y a-t-il un risque de confrontation avec le monde musulman?
L’objectif du terrorisme c’est de marquer les esprits. L’objectif d’Al-Qaida et des islamistes radicaux c’est de provoquer une confrontation entre le monde arabe et l’Occident. La préoccupation du gouvernement français c’est de veiller à ne pas entrer dans cette logique qui fait le jeu des terroristes.
Au Liban, quelle est la position de Paris sur l’acte d’accusation du TSL, qui pourrait viser des membres du Hezbollah ?
Le tribunal spécial pour le Liban (TSL) est le résultat d’une volonté internationale et personne ne peut le supprimer ou l’empêcher de travailler.
Au risque de provoquer une guerre civile ?
Ce qui est important et c’est la préoccupation de Saad Hariri, c’est de conserver l’unité du Liban. Pour autant le TSL doit pouvoir faire son travail.
Mais est-ce encore possible ?
Oui, je le crois. Le Hezbollah a des élus dans les institutions, ce qui prouve le fonctionnement des institutions. Si des personnes sont mises en cause devant le TSL, elles le seront en tant que personnes et non comme représentantes d’un parti ou d’une communauté.
Quels sont vos projets pour le ministère des Affaires étrangères ?
Le Quai d’Orsay est une très belle maison. Il correspond à une spécificité française, celle d’une diplomatie globale. Je veux faire de ce ministère l’instrument central de cette politique, je souhaite à cet effet revaloriser toute la fonction prospective et développer une politique d’influence. Nous devons être à même d’anticiper les crises, les problématiques économiques et environnementales. Grâce à nos relais sur le terrain, dans les ambassades, nous pourrons avoir un temps d’avance sur d’autres pays. Par exemple, notre analyse de la situation d’un pays ou d’une région du monde dans dix ou quinze ans peut être précieuse pour nos entreprises, pour favoriser leurs implantations à l’étranger.
Peut-être est-ce parce que les moyens sont moindres ?
Cette maison n’a pas toujours été bien traitée financièrement ces dix dernières années. La diplomatie ce n’est pas qu’une question d’argent, mais on ne peut pas assumer une ambition sans avoir les moyens nécessaires. Je l’ai dit au Premier ministre, comme au président de la République. Un certain nombre de réajustements sont nécessaires.
Comment comptez-vous mener cette politique d’influence de la France ?
Une politique d’influence doit être globale. Il y a le Quai d’Orsay certes, mais d’autres administrations sont aussi en mesure de nouer des partenariats et des échanges, comme je l’ai fait au ministère de la Justice par exemple. Il y a également les collectivités territoriales et les entreprises qui n’ont parfois pas une connaissance suffisante de la sensibilité des pays avec lesquels elles veulent nouer des partenariats ou s’installer. Je souhaite donc que des diplomates puissent apporter leur savoir-faire dans des collectivités territoriales, des administrations ou dans des entreprises, en y étant détachés pendant deux ou trois ans. Je souhaite aussi créer un Institut des hautes études diplomatiques qui serve bien sûr à la formation permanente de nos diplomates, mais qui associe aussi des membres des collectivités territoriales, des entreprises, des journalistes, etc.
Propos recueillis par Gaël Desgrèes du Loû, Armelle le Goff, Clémence Lemaistre et Acacio Pereira.
Photo : D.R.