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Publié le 15 Décembre 2010

Mon âme au diable, par Jean-Pierre Gattégno (*)

Jean-Pierre Gattégno est l’un des romanciers les plus délicieux et les plus déjantés qu’on ait connu ces dernières années. En 2007, il nous avait littéralement époustouflés avec Avec vue sur le royaume (1). Des personnages, essentiellement des judéo-espagnols décédés, se retrouvent dans un avion révolutionnaire, un Skybus Supersonique ST 320 pour une folle équipée.




Deux ans plus tard, il nous offrait le délirant J’ai tué Anémie Lothomb (2). Un écrivain ignoré de la critique, mais persuadé de son talent, Antoine Galoubet, profite de la découverte hasardeuse du cadavre de la célébrissime Anémie Lothomb, pour attirer sur lui l’attention des médias. Avec ce nouveau roman, il continue de nous ébahir en choisissant le milieu tout à la fois exotique et inquiétant des établissements scolaires en zone sensible. Ce nouveau thriller se situe dans le XIXème arrondissement de Paris au sein du Collège Verdi, cauchemar des enseignants de Paris et de sa banlieue, réputé pour son climat délétère et son ambiance infernale. C’est là que Théodore Simonsky, un professeur de français vacataire assez mal noté qui manque d’autorité et de rayonnement, qui est constamment en retard et prend des congés maladie à répétition, se retrouve. C’est une huile de l’Éducation Nationale, un haut fonctionnaire, Thomas Guérini qui l’y a envoyé. Une aubaine pour Simonsky à court d’argent. D’autant plus qu’on lui propose un service complet et un salaire rétroactif de six mille euros. Pour un tel pactole, qui ne vendrait son âme au diable ! Et c’est ce que devra faire Simonsky : tuer la principale, Élisabeth Raskolnikov. En attendant le moment propice, il faut faire connaissance avec le personnel de l’établissement. Voici le conseiller principal d’éducation, Emmanuel Labrousse, un grand barbu au visage écarlate. Voici Dimitri Ratzoumine, alias Dimi, le prof de maths qui prendra Simonsky en sympathie et l’affranchira sur plusieurs mystères. Voici la secrétaire et bonne à tout faire de la principale, Malvina Serena. Et voici, surtout, les élèves de sixième, quatrième et troisième à qui Simonsky est chargé d’apprendre l’anglais et l’espagnol, langues qu’il ne connaît pas: « On retrouvait chez eux la même population que dans le reste du collège : Maghrébins, Africains, Kurdes, Irakiens, Afghans (fils, petit-fils et arrière-petit-fils de sans-papiers), Asiatiques (Vietnamiens, descendants de boat people ou de Cambodgiens chassés par les Khmers rouges), et bien sûr petits Blancs, toubabs malmenés par les crises sociales ». Tandis qu’une partie des élèves sont endormis sur les tables, d’autres manipulent sans cesse leurs téléphones portables et leurs lecteurs MP3. Regroupés dans le fond, les surpoids, élèves obèses, sirotent des milk-shakes et des sodas. Et puis voici, au dernier rang, un noir athlétique, Tarek, le caïd, pivot du trafic de drogue au collège.



Enseigner en boucle à des élèves, qui ont d’autres chats à fouetter, que « My taylor is rich » tout en préparant un meurtre commandité, tel est le sort du « premier professeur tueur à gages rémunéré par le Trésor public ». Complètement fou !



Une lecture dont on sort un peu sonné mais la rate bien dilatée.



Jean-Pierre Allali



(*) Éditions Calmann-Lévy. Août 2010. 228 pages. 17 euros
(1)Éditions Actes Sud. Voir notre recension dans la Newsletter du 06-07-2007.
(2)Éditions Calmann-Lévy. Voir notre recension dans la Newsletter du 11-03-2009



Photo : D.R.