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Publié le 16 Septembre 2010

Boris Cyrulnik : «La situation des Roms n'a rien à voir avec celle des Juifs»

Boris Cyrulnik vient de publier son dernier livre : « Mourir de dire, la honte » aux éditions Odile Jacob. Dans un entretien au Progrès, il réagit à la comparaison entre les rafles sous l'Occupation et l'expulsion des Roms




Pourquoi avoir choisi de décortiquer la honte ?



Parce que, tout d'abord, sur un plan professionnel, je travaille toujours sur le processus de résilience et les sociologues m'expliquent que c'est la honte qui génère l'isolement et l'incapacité à partager. Ensuite, sur un plan personnel, j'ai été un enfant qui n'a pas eu l'impression d'être tout à fait humain en perdant sa famille parce qu'il était juif.



Que pensez-vous de la comparaison entre les rafles sous l'Occupation et l'expulsion des Roms ?



J'aimerais qu'on respecte ces gens, qu'on leur tende la main, qu'on respecte leur conception de la vie et qu'on trouve une solution pour vivre ensemble. Mais, la situation des Roms n'a rien à voir avec celle des Juifs. Il faut se souvenir que la police française a enfermé et condamné à mort en quelques semaines. Et la comparaison entre les deux situations me choque. Tout comme je suis choqué qu'on expulse les Roms. En ce moment, je ne suis pas fier d'être Français. Mais je refuse qu'on banalise ainsi la Shoah qui n'est pas réduite à l'expulsion d'un pays.



Vous dites : « La honte verrouille les lèvres », serait-il salvateur de parler ?



Quand on est honteux, on meurt de dire mais on sait aussi qu'on va donner de soi une représentation qui va générer du mépris. La honte est une grande difficulté à dire. Pour autant, pour parvenir à en sortir, il faut d'abord se rendre fort puis modifier les oreilles de l'auditeur. La culture permet de changer la perception. Par exemple, c'est grâce à la littérature et au cinéma qu'il est moins difficile de dire qu'on est homosexuel.



Que pensez-vous du lynchage médiatique du philosophe Michel Onfray qui remet en cause Freud et la psychanalyse ?



Je connais l'homme et le trouve sympa. C'est un boxeur, il aime la bagarre intellectuelle. Son livre est bien écrit mais il n'y a rien de neuf pour qui connaît l'histoire de la psychanalyse. La haine est une passion qui me fait douter de l'honnêteté intellectuelle de ses détracteurs. Il s'agit de dogmatiques qui se sentent en danger.



Connaissez-vous déjà le thème de votre prochain livre ?



Ce sera une réflexion sur la mémoire traumatique. Je voudrais donner à comprendre pourquoi on se souvient de certains souvenirs et pas d'autres.



Article publié dans le Progrès du 16 septembre 2010



Photo : D.R.