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Publié le 12 Juillet 2010

Le féminisme chez Édith Stein, par Sophie Binggelli (*)

Chrétiens et Juifs ne perçoivent pas de la même façon, on le comprend aisément, la figure d’Édith Stein. Cadette de onze enfants d’une famille de la bourgeoisie juive de Silésie en Allemagne, elle est née le 12 octobre 1891, le jour même de Yom Kippour. Tout un symbole. Hélas, le symbole que sa mère, très croyante, avait cru voir dans ce signe du ciel s’avérera néfaste pour le judaïsme. Après s’être éloignée de la foi ancestrale, Édith Stein recevra le baptême catholique le 1er janvier 1922, autre jour symbolique, celui qui rappelle la circoncision de Jésus. Élève de Husserl, elle ne put enseigner à l’université jusqu’alors fermée aux femmes. Bien qu’elle voulut, tout au long de sa vie, concilier sa religion d’origine et sa nouvelle foi (« J’avais cessé de pratiquer la religion juive et je me sentis de nouveau juive » dira-t-elle au lendemain de sa conversion), Édith Stein a incontestablement vécu en chrétienne, notamment durant ses huit années de monastère. En 1933, les lois antijuives édictées par les nazis la contraignirent à abandonner sa chaire d’anthropologie à l’Institut de Pédagogie de Münster. C’est alors qu’elle adressa au pape Pie XI une supplique « comme fille du peuple juif » et « fille de l’Église ».




On le sait, le 9 août 1942, Édith Stein a été assassinée à Auschwitz en compagnie de sa sœur Rosa. Elle est morte, rappelons-le, au nom du peuple juif et ses dernières paroles, adressées à sa sœur, résonnent comme un retour aux origines : « Viens, nous partons pour notre peuple ». C’est pourquoi, lorsque le pape Jean-Paul II, le 9 août 1998, décide de canoniser Édith Stein, alias sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix, la polémique a été vive et les reproches de la communauté juive nombreux.



Après avoir évoqué la trajectoire de son personnage qu’elle intitule « un destin contrasté », Sophie Binggelli, elle-même professeur à la faculté de Théologie et à l’École Cathédrale du Collège des Bernardins et responsable d’aumônerie, examine par le menu le combat féministe d’Édith Stein autour de la différence sexuelle, l’éducation, le métier, la prêtrise…apportant ainsi un éclairage intéressant sur ce personnage hors du commun. En annexe, on trouve notamment, et c’est précieux car rare, un arbre généalogique de la famille Stein, la reproduction in-extenso de sa fameuse lettre à Pie IX, la déclaration sur la déportation des Juifs par les Églises catholiques et protestantes du 25 juillet 1942 ainsi qu’une remarquable bibliographie. Très intéressant.



Jean-Pierre Allali



(*) Éditions Parole et Silence/Collège des Bernardins. Préface de Jean Benjamin Sleiman, Archevêque de Bagdad des Latins. Décembre 2009. 534 pages. 35 euros