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Peut-on simplement incriminer les aléas du direct ou l’impossibilité de contrôler un « humoriste », qui n’en n’est pourtant pas à son premier dérapage et dont tous ceux qui l’ont approché connaissent son ressentiment obsessionnel à l’égard des juifs ?
Une chose est sûre : l’animateur Marc-Olivier Fogiel et France 3 ne sont pas en cause. L’émission, on l’a dit, était en direct et depuis lundi dernier Fogiel et la direction des programmes ont présenté leurs excuses aux téléspectateurs et clairement indiqué qu’ils considéraient les propos de Dieudonné comme inacceptables.
Tout au plus, peut-on s’étonner de la formulation quelque peu elliptique de leur condamnation. Les responsables de l’émission affirment avoir été choqués et même s’être sentis insultés par le sketch de Dieudonné, mais ils se gardent bien d’expliquer pourquoi. Le terme d’antisémitisme a été soigneusement évité comme s’il s’agissait d’un mot interdit, à ne surtout pas prononcer. Il y a pourtant des cas où il vaut mieux appeler un chat, un chat. En l’occurrence, il ne fallait pas être grand clerc pour comprendre où Dieudonné voulait en venir. Faire le salut nazi à l’antenne déguisé en juif orthodoxe, l’équation visuelle était simple à saisir : Juif égal nazi. Les associations antiracistes, elles, ont compris. Certaines d’entre elles ont déjà annoncé qu’elles iraient demander justice devant les tribunaux.
Et l’on peut espérer cette fois que les magistrats de la 17ème chambre correctionnelle fassent preuve d’une moins grande complaisance que par le passé à l’égard des outrances antisémites de Monsieur Dieudonné.
Début novembre en effet, le tribunal de Paris avait relaxé le même Dieudonné pour des propos pourtant sans ambiguïté à l’encontre des juifs qu’il avait tenu dans d’une interview à un journal lyonnais. Les magistrats avaient en l’espèce estimé qu’accuser les juifs « d’avoir inventé le racisme et d’être des escrocs » ne relevait somme toute que de la liberté d’expression. On imagine la jubilation de Dieudonné lorsqu’il a pris connaissance de ce jugement. C’est d’ailleurs sans doute pour cette raison que l’humoriste s’est senti autoriser à franchir un peu plus la ligne jaune. En direct sur les plateaux de télévisions.
Clément Weill-Raynal
RCJ, lundi 8 décembre 2003