Aux alentours de 12h30, place de l’Homme de Fer en plein cœur de Strasbourg, un homme portant kippa a été agressé par un individu à coup de barre de fer à la tête et à coups de couteau à la base du coup et de l’épaule. L’agresseur et son compagnon qui, selon des témoins avait apparemment un rôle passif, ont rapidement été arrêtés à proximité du lieu de l’agression. Le principal mis en cause (déjà condamné à plusieurs reprises) a avoué sans difficulté les faits, justifiant son geste par le port de la kippa et le fait d’avoir séjourné en hôpital psychiatrique de par la faute d’un médecin de confession juive.
La victime a été hospitalisée au CHU de Strasbourg Hautepierre qu’il a quitté dans la soirée avec une ITT de 2 jours. Le parquet de Strasbourg devrait ouvrir une information judiciaire pour « tentative de meurtre » avec la circonstance aggravante de motivation antisémite. Une expertise psychiatrique devrait intervenir dans le cadre de cette affaire.
Vous avez été en étroite relation avec les autorités et vous avez répondu à de très nombreuses interviews. Quel message avez vous délivré ?
Effectivement, j’ai eu de très nombreux contacts avec les medias, la liste est longue, par exemple France 2, FR3, Itélé, France bleu Alsace, Radio Judaica, des journaux comme les Dernières Nouvelles d’Alsace, 20 minutes, l’Alsace, Libération, des agences de presse comme Reuters, AFP, etc.
J’ai délivré surtout un message d’apaisement, en précisant qu’il s’agit d’un acte antisémite, acte isolé, probablement le fait d’un déséquilibré ; sans toutefois minimiser la gravité et l’horreur d’un tel acte. Nous attendons le résultat de l’enquête.
Le procureur vient de confirmer ce dimanche 2 mai le caractère antisémite de l’agression de l’avant-veille ; qu’attendez-vous de l’enquête et de la justice ?
D’abord je tiens à souligner l’efficacité exemplaire des services de police qui ont interpellé ces individus extrêmement rapidement (l’interpellation s’est faite dans un rayon de moins de 500 mètres du lieu de l’acte). J’attends une condamnation exemplaire de tels actes.
Selon le rapport de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (2009), 15 actions de violences antisémites ont été perpétrés en Alsace en 2009 et 29 menaces et actes d’intimidations. Ces chiffres placent votre région en 2ème position pour les violences et en 4ème position pour les menaces sur l’ensemble du territoire national. Etes-vous inquiet ? Quelles sont les menaces que vous entrevoyez ?
Les chiffres de la CNCDH sont explicites : des actions antisémites ont eu lieu en Alsace en 2009. Par conséquent, l’Alsace n’a pas été épargnée par ces violences. Pour répondre à votre question, j’emmétrai un certain nombre d’hypothèses
1) Si des actions antisémites ont eu lieu en Alsace, elles ont été perpétrées dans d’autres régions également. Notamment lorsque des crises ont lieu au Moyen Orient. Nous avons bien vu la poussée de fièvre qui a éclaté en décembre 2008-janvier 2009, lors du conflit entre Israël et le Hamas. Les agressions contre les juifs ont été extrêmement nombreuses durant ces 2 mois de guerre, et l’Alsace n’a pas échappé à ce schéma. Je veux dire par là que, prenant prétexte de ce conflit, des gens ont agressé des juifs durant cette période.
2) Quelles que soient les retombés du conflit israélo palestinien, l’antisémitisme structurel n’a pas disparu pour autant. Je me rends compte de la survivance de stéréotypes et de préjugés antisémites.
3) Vous parlez de territoire national, je crois qu’il faut à juste titre resituer et raisonner en région frontalière, carrefour européen, et ce pour le bien et pour le mal. Je sais par exemple que des groupuscules néo-nazis, venant des pays limitrophes, se sont réunis sous couvert de fêtes de famille dans des petits villages frontaliers, louant la salle des fêtes sous ce prétexte. De plus une sensible progression des partis politiques d’extrême droite, bien présents sur notre région, m’interpelle.
4) Autre fait important et nouveau sur le plan régional, l’Alsace jusqu’alors préservée de la crise économique connaît à son tour ce phénomène et les plus faibles peuvent chercher des boucs émissaires.
Propos recueillis par Marc Knobel
Photo : D.R.