« Je crois que je ne ferai plus cours de la même façon. On ne peut pas sortir indemne de ces visites. » Cette occasion « tant attendue » de parcourir en vrai « ces lieux vus uniquement à travers le prisme de photos », elle la partage avec Edith, ex-« enfant cachée », qu’elle fait régulièrement témoigner devant ses élèves de troisième. Devant les vitrines de vêtements d’enfants, de jouets exposés dans les baraques de brique rouge d’Auschwitz, épaule contre épaule, elles ont pleuré ensemble. « Quand Edith raconte en classe ce qu’elle a ressenti à 8 ans quand on lui a interdit de prendre sa poupée, mes élèves sont interpellés. Dans les collèges où je suis passée, il y a eu parfois des incidents antisémites. Jamais quand on aborde la Shoah », confie l’enseignante, qui croit d’autant plus à la nécessité d’incarner ses cours par ces témoignages, images et films, que le programme de troisième (1914 à 2005) laisse à peine six heures pour balayer la Seconde Guerre mondiale. Shoah comprise ? « J’y consacre au minimum trois heures. Et c’est si peu vu son importance dans l’histoire du XXe siècle », soupire la jeune prof. Il y a deux jours, elle pensait que le voyage lui permettrait d’en préparer un pour ses élèves.
A chaud, elle s’interroge : les emmener, si jeunes ? Tout à coup elle n’en est plus sûre. « L’émotion ici prime tellement sur la réflexion. Je ne mesurais pas moi-même l’immensité, la discipline systématique de cette oeuvre de mort. Les chiffres que je m’évertue à assener en cours ne disent rien de ce qu’on perçoit quand on se trouve derrière les barbelés. Mais je me sens aussi plus légitime pour le raconter. » Houria en retire une conviction : « Tout prof d’histoire, dès sa première année de formation, devrait visiter ces lieux. »
(Article publié dans le Parisien du 6 mars 2010)
Photo (Edith (à gauche), ex-enfant cachée vient régulièrement raconter son histoire dans la classe de Houria, jeune prof en collège) : D.R.