L’opinion publique garde une image d’Epinal de la proclamation des droits de l’homme, en 1948, comme si son universalité avait été, à l’époque, aisément acquise. Pourtant, la question demeurait jusqu’à la fin de savoir si le bloc soviétique allait voter pour ou contre la déclaration universelle. L’universalité des droits de l’homme a donc toujours été un combat. Certes, sa cause semblait avoir triomphée avec l’usage, par les dissidents de l’Est européen, des droits de l’homme pour faire chuter le bloc soviétique. Mais cet âge d’or de l’universalité, dont la mise en place de la Cour pénale internationale en 1998 a été le symptôme, n’a pas duré plus de 10 ans.
Le 11 septembre 2001 marque en effet un tournant dans ce moment de communion autour des droits de l’homme - que l’on pense, comme Robert Badinter, qu’il marque une chute de l’exigence occidentale vis-à-vis d’elle-même en matière de respect des droits de l’homme (administration Bush), ou comme le pense Laurent Cohen-Tennoudji, aussi présent à cette conférence, le moment où l’équilibre mondial est modifié par la Chine et les pays arabes. C’est en tous cas à partir de ce moment-là que l’accusation de « double standard » est proférée contre les pays occidentaux, accusés d’avoir une politique de droits de l’homme qu’ils appliquent différemment selon que les individus soient citoyens ou pas de leur pays.
Le clivage s’est alors renforcé à l’ONU entre les occidentaux universalistes et les Etats qui nient l’universalisme. Ces derniers ont commencé à utiliser deux types d’arguments pour légitimer le fait que les droits de l’homme ne soient pas applicables en leur sein : leur souveraineté (cas de la Chine), ou leur différence culturelle (cas des pays de l’OCI). Dans le cas des pays islamistes, qui ont tendance à se réclamer d’une « vision révélée» des droits de l’homme, la question de l’autorité religieuse de l’interprétation est reposée. Des dissensions s’en suivent sur des questions comme l’égalité entre l’homme et la femme, le blasphème, etc. « Mais si les droits de l’homme sont ainsi régionalisés, que reste-t-il des droits de l’homme, universels et indivisibles ? », s’est interrogé Robert Badinter. L’être humain à protéger, dont il est question, est bien de ce monde. Robert Badinter a donc donné toute sa place aux militants musulmans des droits de l’homme, qui sont du camp de l’universalité.
Interrogé sur la situation des droits de l’homme au Proche-Orient, Robert Badinter a rappelé que Gaza n’est plus un territoire occupé, mais sous mandat de l’Autorité Palestinienne. « La situation n’est pas désespérée », a souligné Robert Badinter, soulignant la liberté de la presse qui caractérise la démocratie vivante israélienne.
Revenant sur le cas français, Robert Badinter s’est fait le héraut d’une valeur forte « la laïcité ». Au sein des locaux d’AXA, très grande entreprise française, qui fut marquée par les déclarations décomplexée d’adhésion de certains de ces dirigeants à l’Opus Dei, Robert Badinter a déclaré : « plus j’avance en âge, moins je supporte les intégristes religieux, je me sens devenir un vieux voltairien ».
Eve Gani
Photo : D.R.