Tribune
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Publié le 22 Décembre 2009

Quand Thalassa noie le poisson

Les gens de mer parlent de bateaux de grand large, d’horizons infinis. Depuis des décennies, l’émission Thalassa, en nous promenant d’escale en escale, nous permet avec bonheur sans quitter la terre ferme, de partager quelques uns de ces instants magiques, C’est l’une des rares émissions « grand public » visionnée en famille par un public de tous âges, prêt à recevoir l’information sans préjugés ni positionnement politique. Un public particulièrement vierge, donc malléable et facile à impressionner, à conditionner.

Ce fut le cas ce vendredi, pour un voyage des côtes d’Alexandrie à la civilisation crétoise, et la remontée vers Gaza « territoire sous embargo et, comme l’an dernier sous les bombes ».(sic)

Terminus, nous sommes à terre.

Terre des hommes qui se déchirent. Terre des hommes vue par un seul bout de la lorgnette sans aucun contexte explicatif, sans la moindre ouverture au droit de l’autre.

Terre découverte de la mer par un naufragé de l’information qui raconte avec une totale subjectivité, son abordage sur une île en guerre, dont il ignore tout de l’environnement, de l’histoire.

C’est ainsi que Gaza se dévoile au spectateur comme un « voyage au cœur d’un territoire prison, où la cour de promenade est une plage. »(sic)

La caméra quitte bien vite la plage pour errer de toile de tente en camp de vacances de fillettes protégées par l’ONU qui dessinent leur maison en ruine. La monitrice explique les angoisses et la peur tout à fait justifiées de ces enfants au passage d’un avion ; songez donc affirme-t-elle,« un mois de bombardements ».

Que dire alors des années de pilonnage des enfants de Sdérot à quelques kilomètres à peine? 80% des enfants de Sdérot sont énurétiques en situation de troubles psychologiques, 60% des investisseurs ont quitté la place et le chômage est monnaie courante. « Mais » c’est de l‘autre côté de la barrière.

A Gaza, en vacances eux aussi, de jeunes garçons subissent une solide préparation militaire. La direction est physique, ferme et musclée. Préparation militaire indispensable c’est évident, pour aller faire du surf sur des « planches de récupération fournies par des associations caritatives ».

Le constat est toujours défaitiste et larmoyant.

Amis spectateurs ne l’oubliez pas ! Le voyage de ce soir est triste. Votre commisération familiale et participative est de rigueur.

On apprend que le blocus de Gaza est une « punition collective » après les excès des élus radicaux au pouvoir. Pas la moindre évocation des écoles chrétiennes pillées et fermées, des fillettes chrétiennes tenues de suivre la sharia et le port du voile.

Aucune réflexion sur ces gamines se roulant dans les vagues habillées de la tête aux pieds pour répondre à une vue restrictive de la pudeur féminine. Mais rappel à la pitié oblige, « aucune ne sait nager ». Allez donc nager un cent mètres crawlé avec un pantalon et un foulard sur la tête !

Les eaux de mer sont polluées à l’extrême ; les égouts s’y déversent directement, « car les Israéliens ont bombardé la station d’épuration ».

Les magasins aperçus regorgent de produits alimentaires mais… il y a toujours un « mais » en Palestine ; « mais explique le commerçant, ces produits sont Egyptiens. Les Israéliens ne nous envoient que des produits à la limite de la date d’expiration, et ici personne n’achète les produits qu’ils laissent entrer ».

Heureusement ma bonne dame qu’il reste les tunnels de Raffah que l’on visite sans problème. Ces tunnels poumon d’air pur qui ravitaille cette prison à ciel ouvert et.. « permettent aussi le passage de quelques armes » (sic)

Les étalages colorés croulent sous le poids de fruits divers « mais » … ces fruits viennent d’Israël qui nous envoie des produits « soug beth » (seconde catégorie), et il y a des vers dans les mangues »

Tous ces vers accumulés pourraient au moins favoriser la pêche mais... La pêche justement. Il n’y a plus de poisson, et la canonnière israélienne tire à vue sur les pêcheurs.

Nul rappel de l’indispensable surveillance de la frontière maritime pour éviter les approvisionnements d’armements lourds venu d’Iran.

Rien ne manque à ce tableau d’apocalypse.

Et pourtant si !

Il manque à cette opération de désinformation par l’image, de rappeler qu’en récupérant pétrole, Sinaï et complexes hôteliers de luxe construits par Israël, l’Egypte a refusé de récupérer ce minuscule territoire de Gaza qui lui appartient ; où elle a confiné ces malheureux cinq cent mille réfugiés de la guerre de 1948 sans aide, reconnaissance ni secours.

Ces réfugiés tellement « génocidés » par Israël qu’ils sont désormais trois fois plus nombreux.

Il manque de dire que Gaza est vide d’habitants Israéliens qui ont rendu ce territoire aux Palestiniens avec des serres en état, des habitations, des bâtiments publics et des viabilisations. Tout le bien collectif a été détruit, pillé pour des intérêts personnels.

On a vu des toiles de tentes et des taudis en ruine mais où sont les vues sur les superbes villas avec piscine des dirigeants ?

Israël fournit aux Palestiniens de Cisjordanie des stations d’épuration cataloguées au premier rang mondial pour leur efficacité. Pourquoi pas à Gaza ? Le gouvernement de Gaza reconnaît-il l’existence d’Israël ?

Cette reconnaissance mutuelle même virtuelle est le minimum commun pour établir des échanges, mais les marins de Thalassa n’étaient que de passage en terre inconnue ce vendredi.

Les exportations de roses et de fraises de Gaza se préparent à envahir les commerces européens avec l’aide d’Israël. Pourvu qu’une certaine sénatrice verte bien connue ne se targue pas de les boycotter à Carrefour en se trompant de cible. Ce serait encore de la faute d’Israël !
Alors chers amis de Thalassa, restez donc simplement Gens de mer pour nous offrir toujours plus de larges horizons.

Fuyez ce misérabilisme idéologique forme moderne de recrutement des troupes de militants de base.

Laissez les hommes à leurs tristes querelles, où des enfants meurent sans raison, où les adultes ne font plus de rêves.

Comprendre exige de rester au port et l’escale est pour vous bien trop brève !



Josiane Sberro© Primo, 19-12-2009

Photo : D.R.