A lire, à voir, à écouter
|
Publié le 14 Octobre 2009

Elle, elle a sauvé les autres…, par David Barré et Agata Mozolewska (*)

Aux heures sombres de la Shoah et du déferlement nazi sur l’Europe, il s’est trouvé, dans de nombreux pays, en France, en Italie, en Lituanie, en Pologne, à Rhodes, en Bosnie, en Hollande, au Danemark, en Tunisie et même en Allemagne, des hommes et des femmes qui, au péril de leur vie, ont sauvé des Juifs de la mort. Certains ont agi pour des motifs religieux, d’autres par charité humaine. On les appelle des Justes. À Jérusalem, l’Institut Yad Vachem, après un examen minutieux des dossiers qui lui sont soumis, décerne régulièrement des « Médailles des Justes parmi les Nations », souvent, hélas, à titre posthume.



La Pologne, on le sait, est un pays où a sévi pendant des siècles un antisémitisme virulent. Une Juive polonaise de Paris, Margaret Asher, sauvée elle-même par sœur Ludovica au couvent de Plody, résumait par cette boutade le sentiment général sur les Polonais à l’époque : « Il fallait mille Polonais pour sauver un Juif. Mais il suffisait d’un Polonais pour dénoncer mille Juifs ».
C’est pourquoi l’action des Justes polonais est d’autant plus exemplaire. On ne le dit pas assez, les Justes polonais furent nombreux. Qu’on pense à sœur Ludovica du couvent de Plody, à Zofia Doboszynka, à Zofia Sterner, à Alicia Szczepaniak (1). Qu’on pense surtout à cette femme exceptionnelle que fut Irena Sendler (2). On sera reconnaissant à David Barré et Agata Mozolewska d’avoir consacré un livre à l’histoire édifiante de cette femme hors du commun qui aimait dire que « tendre la main à quelqu’un qui a besoin d’aide, mais c’est normal » et qui a disparu en 2008.
Irena Sendler a reçu en 1965 le titre de « Juste parmi les Nations » décerné par l’Institut Yad Vachem.
Le 14 mars 2007, par ailleurs, lors d’une session du sénat polonais, le président Lech Kaczynski a fait l’éloge d’Irena Sendler la considérant comme une héroïne méritant le prix Nobel de la paix.
Irena Sendler est née en 1910 à Otwock, une banlieue ouvrière de Varsovie. Son père, Stanislaw Krzyzanowski, était un médecin connu pour sa générosité et son désintéressement. Il était particulièrement apprécié par la communauté juive locale. Très jeune, Irena se lia avec un petit juif, Isaac et les dédales de la synagogue n’avaient aucun secret pour elle. Souvent, il lui arrivait de partager le repas de familles juives. Lors de ses études à l’université de Varsovie, elle découvre avec horreur que les étudiants sont séparés entre Juifs et Aryens et choisit, ostensiblement, de s’asseoir du côté gauche, c’est-à-dire avec les Juifs. Cela ne lui vaudra pas que des amis.
Lorsque la Pologne est envahie par les nazis et que Varsovie tombe sous la coupe de la Wehrmacht le 30 septembre 1939, mettant des millions de Juifs en danger de mort, Irene Sendler décide de passer à l’action. Elle rejoint l’association Zegota, constituée de membres du parti socialiste, du parti démocratique, d’une organisation catholique, de divers organismes ainsi que des représentants du Comité Juif National et du Bund. Zegota se donne pour mission l’aide à la population juive en détresse. Très vite, Irena Sendler va devenir une cheville ouvrière de Zegota dont elle dirigera la section « Enfants ». Grâce à elle 2500 enfants juifs échapperont aux griffes des nazis. Parmi eux, un cinquième a été placé dans des couvents, 200 ont été cachés dans la maison du père Baudoin et 500 dans des orphelinats et autres institutions. Enfin 1300 petits trouvèrent un abri chez de simples particuliers. Quant aux adolescents, ils rejoignirent, par dizaines, l’Armée du peuple.
Une très belle histoire. Une grande leçon de courage. Un témoignage irremplaçable.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions du Cosmogone. Mars 2009. 180 pages. 18,50 euros
(1) L’histoire de ces Justes polonaises est racontée dans le livre de Marek Halter, La force du Bien. Éditions Robert Laffont. 1995.
(2) Irena Sendler est l’une des héroïnes émouvantes du film du même Marek Halter, Tzedek. Les Justes. 1994