Au fil des pages de ce véritable traité, les citations bibliques en hébreu voisinent avec des formules mathématiques que d’anciens étudiants en physique retrouveront avec nostalgie. Les équations aux dérivées partielles de Schrödinger s’imbriquent sans gêne dans des commentaires du Midrash et des racines carrées côtoient, non sans une certaine malice, les dires précurseurs de Rabbi Abbahou.
Ici un « laplacien » vient narguer le vénérable Rabbenou Behayyé qui semble en savoir beaucoup, d’ailleurs, sur le Big-Bang originel et le Big Crunch qui a suivi. Là, une intégrale aux bornes infinies nous rappelle la transformation de Fourier, associée au nom divin. Au coin d’une page surgissent l’équation de Schrödinger, les statistiques et la stochastique. Sans oublier les rayons Gamma, l’espace hilbertien des fonctions, la théorie du spin, les vecteurs, les nombres irrationnels, tels le fameux π Ailleurs, les premiers mots de la Genèse s’accompagnent de réflexions autour du fameux nombre imaginaire « i » dont le carré vaut –1. Pendant qu’ils virevoltent pour notre édification, les hadrons, protons, neutrons, quarks, nucléons, bosons, fermions et autres gluons s’entrechoquent tandis qu’à l’aide du commencement, Dieu, dans son infinie sagesse et sa bonté extrême, crée le ciel et la terre.
Les nombreuses similitudes que l’auteur, au fil des pages, met en évidence entre le discours scientifique moderne et celui de certains textes de l’exégèse juive de la Bible sont-elles autant de « preuves » ? Non, reconnaît avec humilité Jacob Ouanounou, car un fossé subsiste. Mais il n’est pas interdit de rêver pour envisager un début de compréhension, fut-il limité.
Parallèlement aux développements scientifiques, l’auteur, pour notre plus grand plaisir, nous offre de belles pages de commentaires sur le texte biblique, notamment sur le shabbat considéré comme « un exercice d’alerte incendie » pour se préparer à la mort inéluctable avec cette conclusion étonnante d’un débat talmudique autour de le consommation de fruits le shabbat : « Il est exclu de se priver de bananes pour l’éternité ». Ou encore sur le sens de la prière juive.
Au bout d’une lecture édifiante et enrichissante, ce constat : nous en savons finalement peu sur un monde livré à l’incertitude : « Le monde : un voile, un masque ».
Le livre de Jacob Ouanounou, c’est un fait, n’est pas toujours d’un accès facile aux non-initiés, mais à ceux qui auront la patience de lire et de relire ce qu’il dévoile, est réservé le plaisir toujours renouvelé de la découverte. Passionnant.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Kedma. 2009. 366 pages. 24 euros. Disponible sur Amazon.