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Publié le 24 Juillet 2009

Les enfants du silence

Ils étaient 72000 enfants d’origine juive vivant en France en 1939… Entre 1942 et 1944, Vichy va en éliminer 12000. Parmi les 60000 restant, la moitié ont survécu en essayant de vivre normalement et parce qu’ils ont eu de la chance : ils étaient de vieille souche française et furent moins inquiétés par la police française… Les autres ont survécu parce qu’ils ont été séparés de leurs parents, souvent très jeunes, à titre préventif ou « curatif » (après les rafles) puis cachés dans des familles, dans des fermes, dans des maisons d’enfants, dans des institutions laïques ou religieuses… Pendant 50 ans, ils se sont tus… Pour eux, la Libération fut souvent le début d’une seconde galère : pendant plusieurs décennies, ils restèrent « les enfants du silence »…. Soit parce que la Libération fit d’eux des orphelins qui durent attendre les années 80 pour savoir avec certitude le jour et l’heure de la mort de leurs parents consignés sur les listes de Klarsfeld, soit parce que leur père ou leur mère revenus des camps - mais dans quel état - n’arrivèrent pas admettre qu’ils puissent se plaindre, leur rappelant qu’ils n’avaient été ni torturés, ni déportés, ni tués, et ne réalisant pas qu’à l’âge où l’on est censé apprendre à exister, à sortir de l’enfance, à forger sa personnalité, ces enfants avaient dû se nier, « apprendre à ne pas être », cachant leur identité, leurs racines, leur religion… « Paroles d’étoiles – mémoires d’enfants cachés 1939-1945 », est un recueil, initié par Jean-Pierre Guenot, des textes de leurs témoignages, de leurs lettres, de leurs journaux intimes.




La compagnie « La tête dans les nuages », dirigée par Magali Zucco, qui travaille avec de jeunes comédiens âgés de 18 à 24 ans (tous professionnels aujourd’hui), et qui se veut, depuis sa création en 2004, un théâtre « citoyen avant tout », a décidé de mettre en scène ce recueil, avec l’objectif essentiel d’alerter le public sur un état de fait dont l’actualité n’est jamais révolue, et de prévenir le renouveau du racisme et de l’antisémitisme dans nos sociétés actuelles. Sur scène, 14 acteurs, un violoniste et un pianiste jouent, crient, pleurent, parlent, rient, dansent et chantent, en français, en hébreu, en Yiddish. Ils fouillent la mémoire si naïve, si cruelle de l’enfance et restituent une autre vision de la guerre et du nazisme. Ils s’identifient (ni la metteur-en-scène, ni aucun des acteurs n’est juif) à ceux qui sont toujours cachés dans la conscience d’une société indifférente qui a si peur de retrouver la mémoire. Face à l’horreur, ils restituent également la culture juive de l’époque, ses chants, ses prières et ses coutumes. Le spectacle alterne les registres dramatiques du drame et du clown. Plus qu’une simple retranscription, il fait preuve d’un travail de ressenti et d’appropriation, et propose une interprétation très émouvante et portée par une remarquable énergie créatrice.



« Paroles d’étoiles – mémoires d’enfants cachés 1939-1945 », une mise en scène de Magali Zucco, d’après le recueil de Jean-Pierre Guenot, actuellement au théâtre Pulsion à Avignon, tous les jours à 13 heures 45, jusqu’au 30 juillet 2009, et en tournée dans toute la France à partir de septembre.





Photo : D.R.