Serge Klarsfeld, historien, président des Fils et filles déportés Juifs de France : être constant dans ce que l’on fait. Nous labourons le même domaine et le ressort est toujours tendu.
On, parle d’un couple parfait. Vous êtes si complémentaires ?
Je ne sais pas, mais on s’entend très bien et, en ce qui me concerne je ne peux pas rêver d’une autre épouse. En tout cas, c’est la femme que j’aurais voulu épouser lorsque j’avais 18 ans et que j’ai épousé.
Arno tient le flambeau ?
Le flambeau ? Oui et non. Oui, parce que nous lui avons mis une lourde charge sur ses épaules et non en même temps parce qu’une partie du combat est liée à notre génération à Beate et à moi ; elle en tant qu’Allemande et moi en tant que Juif.
Quel est le plus beau combat que vous ayez mené ?
Pour Beate la campagne contre le chancelier Kiesinger et pour moi le procès de Cologne des dirigeants de la solution finale en France.
Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?
Sur la nouvelle édition du Mémorial de la déportation. Pour la première fois je réunis tous les membres d’une même famille et j’indique où les déportés ont été arrêtés, parce que cela n’existait pas auparavant.
Ce n’est pas lourd à porter tout cela ?
Si, mais si on est heureux… Il faut être heureux pour pouvoir le faire et mener ces combats difficiles.
Vous pensez souvent à votre père ?
Oui. Je pense souvent à lui.
Ahmadinejad passe son temps à nier la Shoah. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Tous ceux qui, a un poste important, ont persécuté les Juifs, ont en général mal fini. Mais, certains ont rempli une partie de leurs objectifs. J’espère qu’Ahmadinejad sera renvoyé après les élections présidentielles iraniennes du 12 juin, avant d’avoir fait du mal.
Ahmadinejad, pour vous c’est Hitler ?
Potentiellement oui.
Avec la bombe atomique en plus ?
Avec une arme nucléaire il peut se révéler être un Hitler, l’histoire est imprévisible. Mais il faut tenir compte des précédents.
A l’aube de l’année 2010, l’antisémitisme vous inquiète ?
Pas en Occident, mais dans le tiers-monde et vis à vis d’Israël surtout.
Comment vous expliquez les haines et les passions anti-israéliennes ?
Par la volonté de l’Islam fanatique de se débarrasser des Juifs au Moyen-Orient.
La paix est-elle possible ?
Oui, si l’Islam modéré parvient à prendre le dessus sur un Islam qui se réfère à la conquête.
Vous envisagez la création d’un Etat palestinien ?
Actuellement il y a plutôt deux Etats palestiniens (le Hamas et le Fatah). Je ne peux pas répondre. Ils auront du mal à se réconcilier.
Vous seriez prêt à faire une conférence sur la Shoah dans un pays arabe ?
Oui sans problème, j’ai déjà été à Damas, à Beyrouth et à Téhéran mais dans des situations différentes et d’opposition. Si on me laisse parler, je n’aurai aucune peine à vouloir parler.
Ce pourrait être une priorité que de témoigner de la Shoah dans le monde arabe ?
Oui d’ailleurs, je suis un des fondateurs du projet Aladin, mis en œuvre par la Fondation pour la Mémoire de la Shoah (1). Ce projet est une priorité pour faire tout ce qui est en mesure de faire pour rapprocher les juifs et les musulmans.
Votre plus grand espoir à venir ?
Voir grandir ma petite fille à l’âge adulte.
Votre plus grande crainte ?
C’est l’arme nucléaire entre les mains d’un Islam fanatique alors que les passions sont toujours attisées.
Propos recueillis par Marc Knobel
Note :
1) Initié par la FMS, le Projet Aladin est un programme éducatif et culturel indépendant. Soutenu par de nombreuses personnalités parmi lesquelles plusieurs centaines d’intellectuels, historiens et personnalités de premier plan du monde arabo-musulman, il vise à rendre disponibles en arabe, en persan et en turc des informations objectives sur la Shoah, les relations judéo-musulmanes et la culture juive. Sur ce sujet, voir le lien suivant :
Photo (Serge Klarsfeld) : D.R.