Ron Jones décide, sur un coup de tête, de mener une expérience. Il instaure dans la classe un régime de stricte discipline, restreignant la liberté de ses élèves et transformant la masse en un seul corps. Le mouvement est appelé “La troisième vague”. À la grande surprise du professeur, la classe réagit plutôt bien à la contrainte d’obéissance qui lui est imposée. L’expérience, qui ne devait durer qu’une seule journée, va répandre son emprise sur l’école toute entière. Les membres du mouvement commencent à s’espionner les uns les autres, et
les réfractaires se retrouvent ostracisés et même tabassés. Au bout du cinquième jour, Ron Jones est contraint de mettre un terme à l’expérience.
Cette histoire vraie a inspiré le roman de Todd Strasser, “La Vague”, qui est, depuis vingt ans, un classique de la littérature de jeunesse et qui figure toujours au programme de nombreuses écoles allemandes. L’adaptation cinématographique du cinéaste allemand Dennis Gansel représente un véritable phénomène de société outre-Rhin.
« C’est un sujet qui m’a toujours intéressé », explique le cinéaste. « La question de savoir si le fascisme pourrait réapparaître, et comment ce système fonctionne, m’a toujours fasciné. Je me suis souvent demandé, quand j’étais jeune, comment j’aurais moi-même réagi dans une telle situation. Dans ce film, la question est : Quel est le fonctionnement du fascisme ? Serait-il possible à l’heure actuelle ? Une telle chose pourrait-elle se produire à nouveau, dans une école allemande tout ce qu’il y a de plus normale ? »
« Nous disposions des notes originales de Ron Jones », poursuit Dennis Gansel, « et nous savions donc très précisément comment s’était déroulée l’expérience. Mais dès lors que nous avons choisi de transposer cette histoire dans l’Allemagne d’aujourd’hui, il a fallu l’adapter. Certains des personnages sont inspirés directement de gens que j’ai connus. Des élèves que je fréquentais, des professeurs que j’ai eus… Bien sûr, le fait que le professeur soit très
charismatique rentre en ligne de compte. Il s’agit de quelqu’un qui est par nature un meneur, qui a une forte capacité de persuasion et que les élèves admirent. Mais je crois que le système fasciste qu’il met en place est suffisamment scélérat, d’un point de vue psychologique, pour qu’une telle chose se produise n’importe où et n’importe quand. Prenez des gens qui sont habitués à ne pas avoir voix au chapitre et donnez leur, subitement, une part de responsabilité. Formez une communauté, qui va redéfinir l’identité du groupe d’élèves. Faîtes en sorte de faire disparaître tout ce qui les oppose, en donnant à chacun l’opportunité de se distinguer. Je crois vraiment qu’une telle expérience pourrait fonctionner n’importe où. En particulier dans le cadre de l’institution scolaire. On sait bien comment fonctionne le lycée, comment se hiérarchisent les relations entre les élèves, avec, au sommet, les plus populaires, qui ont un rôle de leader, et une quantité d’élèves plus timides, qui n’arrivent pas à se distinguer…
La tendance à l’individualisme et à l’atomisation de nos sociétés ne pourra pas fonctionner éternellement. Un tel contexte créé inévitablement un vide, et le danger est qu’un nouveau « isme » se présente pour le remplir. »
Les réfractaires, les extrémistes, les résistants au processus, le cinéaste nous les montre tous. Mais il nous montre surtout comment, malgré tout, le système se met en place sans que personne ne réagisse. Ce film est effrayant et terriblement pédagogique, surtout lorsque l’on sait que l’histoire vraie qui l’a inspiré s’est produite aux Etats-Unis il y a seulement quarante ans. Tous les professeurs d’histoire devraient emmener leurs élèves voir « La Vague ». Tous ceux qui veulent se souvenir aussi. Et surtout, tous ceux qui ont peur d’avoir oublié…
Photo : D.R.
« La Vague », un film de Dennis Gansel, sortie en France le 4 mars 2009
Par Sandrine Bendavid