Michel fait partie des fondateurs, en 1978, du mochav Katif où il vit avec sa petite famille : sa femme, Clara et son fils Nathanael. Malgré les attentats, la terreur quotidienne qui voit des voisins, des amis, tomber chaque jour, Michel se sent chez lui. Pour rien au monde, il ne voudrait quitter ce qu’il considère comme un paradis. « Sa maison, accueillante et spacieuse avec ses murs blancs soulignés de briques aux angles des murs, ses hauts plafonds, son sol carrelé et ses nombreuses et grandes fenêtres donnant sur le paysage des dunes de sable et de ses champs tant aimés. Sa baie vitrée qui séparait la salle à manger de la terrasse et permettait au regard d’embrasser la mer et ses alentours. Ses belles chambres et son grand salon si tranquille dans lequel ses amis le retrouvaient le shabbat pour une journée de repos bien méritée. Chaque matin, sur la grande table en bois de la salle à manger, il prenait ce petit déjeuner qu’il voulait « israélien », composé d’œufs brouillés, de fromage, de pain maison et de produits de ses champs. Lorsque la chaleur se faisait trop pesante, la pelouse et les arbres offraient à chacun un coin de fraîcheur. Une grande photo encadrée trônait dans la salle à manger et évoquait la fierté de Michel : ses serres, la moitié de sa vie ».
Hélas, ce bonheur sera, on le sait, de courte durée. La décision du Premier ministre, Ariel Sharon, le 6 mai 2004, confirmée le 16 févier 2005 par un vote à la Knesset, le Parlement israélien, par 67 voix contre 45, ouvrait la voie à la fin d’un beau rêve. « Pour Michel et Clara ainsi que tous les habitants de Koush Katif, cette décision gouvernementale ne pouvait être ressentie autrement que comme une trahison… ». La chaîne humaine de solidarité et les manifestations ne pourront rien y faire.
Et son ami arabe, Ibrahim al Sufi aura beau jeu de lui lancer, lors d’une discussion : « Allah est Grand, ce que vous nous aviez pris, nous est restitué ! »
A Neve Dekalim, à Morag, à Gane Tal et ailleurs, les soldats, parfois les larmes aux yeux, forceront les familles à monter dans les autobus. Demain, les bulldozers commenceraient leur travail de sape.
Tout n’est pas perdu, cependant, et, comme chacun sait, notamment au sein du peuple juif, l’espoir fait vivre. Le récit alerte de l’auteur commence par un bond en avant dans l’avenir d’une vingtaine d’années. Nous sommes en août 2026. Nathanael, comme il l’avait promis à son père, revient sur les lieux de son enfance. Les ruines de leur maison sont toujours là, mais tout à changé. De fond en comble. Déjà, en 2009, la droite était revenue au pouvoir. En 2015, mettant à exécution les menaces si souvent répétées par le président Ahmadinejad, l’Iran avait envoyé un missile chimique en direction d’Israël. Mal lui en prit. La réplique israélienne ne s’arrêta pas à la destruction au dessus du sol iranien de l’engin, mais se poursuivit par une destruction totale des infrastructures du pays.
Une refonte complète du Proche-Orient s’ensuivit qui vit Israël récupérer, entre autres, à la suite d’accords internationaux, la bande de Gaza. Et Nathanael, effectivement, dès 2026, va rebâtir sa maison et, en 2028, avec sa femme Myriam et son fils Jonathan, c’est un renouveau qui commence. « La génération de la certitude était debout ».
Voguant entre le récit d’une réalité récente que chacun a pu vivre devant son écran de télévision et une vision de politique-fiction que d’aucuns, à juste titre, estimeront complètement surréaliste, Richard Sitbon, dans ce roman généreux, nous offre quelques bonnes heures de détente et de réflexion. Bravo !
Jean-Pierre Allali
Editions Le Manuscrit. 2007. 174 pages. 14, 90 euros