J’aurais aimé applaudir l’entrée de l’Etat de Palestine à l’ONU. Le CRIF s’est exprimé sans ambiguïté, je l’ai dit au Président Abbas. Il faut deux Etats pour deux peuples, palestinien et juif. L’expression « Etat juif », qui existe dans la résolution de l’ONU de 1947 est mauvaise. Le livre de Herzl, c’est l’Etat « des » Juifs. Les Etats et leurs frontières sont des produits des représentations collectives et de l’histoire avec ses contingences. Etat du peuple juif signifie qu’il y a de la place pour ceux qui ne le sont pas. Il y a 20% d’arabes en Israël. Etat du peuple palestinien signifie qu’il devrait y avoir de la place pour des non-Palestiniens. Mais l’Ambassadeur de l’OLP aux Etats Unis a déclaré qu’il n’y aurait aucune place pour un Juif dans l’Etat de Palestine: en allemand cela se dit « judenrein ». Nous connaissons bien ce mot. Mais nul n’a fait grief à M. Abbas, qui avait tenu des propos analogues.
Il existe un peuple palestinien. Ce n’a pas toujours été le cas. Sinon, pourquoi un Etat n’a-t-il pas été créé en 1948 ? Ayant perdu la guerre qu’ils avaient déclenchée après leur rejet de la résolution de l’ONU, la Jordanie et l’Egypte se sont trouvées contrôler une partie du territoire mandataire (lui-même amputé au préalable par les Anglais pour créer la Jordanie). Dans les « frontières de 1967 », qui ne sont pas des frontières, mais des lignes de cessez-le feu, et qui ne datent pas de 1967, mais de 1948, ils auraient pu créer un Etat de Palestine: ils ne l’ont pas fait.
Il existe un peuple juif très ancien. La pratique religieuse n’en est plus la seule caractéristique depuis que Spinoza et l’ère des Lumières ont ouvert la voie aux identités laïques et en même temps aux mouvements de libération nationale dont le sionisme est une des figures. Forts de leurs traditions, en lutte contre la causalité diabolique que les passions antisémites leur assignaient, les Juifs se sont « autorisés ». Ils se sont rassemblés, physiquement pour certains, psychologiquement pour d’autres, autour de marqueurs collectifs, parmi lesquels Jérusalem joue un rôle central. En tant que membre de ce peuple, même si je n’habite pas son Etat, j’attends des Palestiniens qu’ils reconnaissent cette réalité, qu’ils cessent de prétendre que le judaïsme n’est qu’une religion et que Jérusalem n’a rien à voir avec l’histoire juive. On ne bâtit pas la paix sur de tels mensonges. La reconnaissance d’un Etat palestinien implique la reconnaissance d’Israël comme Etat du peuple juif. Cela n’a jamais été prononcé. Et la reconnaissance des uns par les autres implique que l’on se parle les uns avec les autres. Comment esquiver les négociations bilatérales alors que les destins sont imbriqués?
Mais il y a autre chose, c’est le Hamas. Il y a un accord entre le Hamas et l’Autorité palestinienne. Ou bien il est réel : le Hamas est alors une composante majeure de l’Etat palestinien qui en assume l’idéologie et en contrôle les activités. Ou bien il n’est qu’un chiffon de papier, et l’Autorité Palestinienne n’a aucune responsabilité à Gaza, où le Hamas pourra à son gré embraser la région, maintenir Gilad Shalit dans une détention secrète et vouer ses enfants à la haine contre Israël.
Voici des années qu’on promet la disparition du Hamas ou sa transformation en mouvement respectable. Mais après l’accord qui devait préluder à cette évolution, le Hamas n’a pas atténué son discours, pendant que l’Autorité palestinienne durcissait le sien et ne faisait plus mystère d’utiliser la reconnaissance comme un tremplin pour une guerre judiciaire contre Israël. Si le Hamas importe particulièrement aux Juifs « diasporiques » que nous sommes, c’est qu’il appelle à notre assassinat. Dans l’article 7 de sa constitution, les arbres et les pierres diront au jour du jugement : « Oh, musulman, il ya un Juif derrière-moi, tue-le ! ». L’ONU pourrait-elle légitimer un mouvement exterminationiste?
Richard Prasquier
Président du CRIF
(Article publié dans le Figaro du 23 septembre 2011)
Photo : D.R.