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Je suis Président du Conseil représentatif des Institutions Juives de France et à ce titre, au nom des Juifs de France, je veux vous dire solennellement aujourd’hui, à l’occasion de la commémoration des 20 ans génocide des Tutsis, notre solidarité.
Car le combat des victimes, nous le savons tous, ne s’arrête pas avec la fin de l’extermination. Il ne s’est pas arrêté en 1915 pour les Arméniens, en 1945 pour les Juifs ou en 1994 pour les Tutsis. A vrai, dire, à ces dates le combat des victimes n’a fait que commencer. Un combat simple pour que, pour reprendre les mots de Elie Wiesel, « les victimes ne soient pas assassinées une seconde fois ». Je veux parler du combat pour la mémoire.
Le combat pour la mémoire, c’est tout d’abord de redonner un nom et un visage aux victimes. C’est par exemple le travail mené pour le monde juif depuis de si longues années par l’association des Fils et Filles de déportés juifs de France. C’est, je crois, également tout le sens du travail inlassable qui est mené au Rwanda pour donner une sépulture digne aux victimes.
Le combat pour la mémoire, c’est également la lutte contre le négationnisme et pour la vérité historique. Je sais combien il aujourd’hui encore difficile pour le génocide des Tutsis de trouver toute sa place dans le récit national, tant en France qu’au Rwanda. Soyez assurés du soutien du CRIF et de la communauté juive dans ce combat. Nous ne pouvons à ce sujet que nous féliciter de la tenue, cette année même, du premier procès en France contre les génocidaires des Tutsis. La condamnation de Pascal Simbikangwa à 25 ans de prison le 14 mars dernier témoigne que la France ne tolèrera aucune impunité.
Enfin, le combat pour la Mémoire, c’est essayer de comprendre ce que les génocides disent au monde. Ce que nous devons dire ensemble aujourd’hui c’est combien, chaque génocide est unique et commun à la fois. Unique en ce qu’il est toujours exceptionnel et spécifique. Commun en ce qu’il s’appuie sur la part inhumaine de l’homme, que l’on retrouve, potentiellement dans toutes nos sociétés contemporaines.
Aussi, je souhaite avec nous tous que la France puisse héberger prochainement son sol un musée dédié à la mémoire du génocide des Tutsis. Ce serait une étape importante de l’indispensable travail de mémoire.
Permettez-moi également de partager aujourd’hui avec vous une conviction : celle qu’il n’y a pas de concurrence des Mémoires. A tous ceux qui souhaitent ériger les Mémoires des uns contre celles des autres, nous répondons ensemble qu’au contraire, la Mémoire est une invitation au dialogue.
Je connais le travail commun entre Ibuka et l’Union des étudiants juifs de France depuis bientôt 10 ans. Je ne peux que m’en féliciter et espérer qu’il se poursuive dans les années à venir, symbole de ce dialogue des Mémoires.
Chers amis, rien ne prédestinait les Tutsis et les Juifs à se rencontrer : le Rwanda est un pays lointain et je dois avouer que je n’y ai jamais été. Pourtant, nous partageons aujourd’hui peut-être l’essentiel : une responsabilité face au monde.
Le génocide n’est pas une marque de privilège. C’est, au-delà des souffrances indélébiles, au contraire une lourde responsabilité pour l’avenir que nous partageons. Car Tutsis, Juifs et Arméniens, savent que les injonctions de « Plus jamais ça » se sont heurtées jusqu’à présent à chaque fois avec fracas sur la répétition de l’histoire.
Ensemble, nous disons "Plus jamais ça !".